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Nouveaux revers pour le business de la GPA au Parlement européen (Betty Mahaur dans Marianne)

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Alors que les députés européens ont voté un texte reconnaissant que « l’exploitation sexuelle à des fins de gestation pour autrui constitue une violation de la dignité humaine », Betty Mahaur, juriste, alerte sur cette pratique.

Tribune originale sur marianne.net du 29 janvier 2021

Alors que la révision des lois de bioéthique va reprendre au Sénat, le Parlement européen reconnaît que « l’exploitation sexuelle à des fins de gestation pour autrui constitue une violation de la dignité humaine » dans un rapport adopté cette semaine. Partout en Europe, députés et juges s’opposent au tourisme procréatif.

La semaine prochaine, les sénateurs vont débattre en deuxième lecture la révision des lois de bioéthique, serpent de mer législatif dont les premiers travaux remontent à 2018. Initialement absente du texte, la GPA est pourtant présente dans tous les débats. Or, il ne faudrait pas omettre la dimension européenne dans laquelle s’inscrivent ces lois.

L’actualité européenne aura surtout été marquée par une série de revers pour le business de la GPA, qui se poursuit ce mois-ci avec l’adoption de cette résolution par le Parlement européen.

LA GPA, « UNE EXPLOITATION SEXUELLE » INACCEPTABLE DES FEMMES

Dans des termes quasi-identiques, son rapport sur les droits de l’Homme de 2015 condamnait déjà cette pratique. De nouveau saisis de la question, les députés européens refont le constat que « l’exploitation sexuelle à des fins de gestation pour autrui et de reproduction (…) est inacceptable ».

La nouveauté réside dans l’angle d’attaque. En 2021, la GPA devient un sujet à part entière de l’émancipation des femmes dans l’Union européenne, et non seulement une problématique des droits de l’Homme. L’exploitation sexuelle à des fins de GPA est – d’après le rapport du Parlement – une des nombreuses formes que revêt la « traite des êtres humains » qui touche particulièrement les femmes, à côté des mariages forcés ou de la prostitution. Au point qu’il faille, pour les députés, appeler la Commission européenne à agir sur ces sujets au niveau européen.

Car c’est une même dynamique qui relie ces pratiques, une domination qui s’affirme : la sexualité des femmes est exploitée ici à des fins reproductives, et là à des fins récréatives.

DES USINES À BÉBÉS AUX FRONTIÈRES DE L’UNION EUROPÉENNE

C’est l’argent – ou plutôt son manque – qui décide une femme à mettre son corps à disposition de l’industrie de la GPA. L’Ukraine, frappée par la guerre et la crise économique, est ainsi devenue en quelques années la destination phare des clients européens de la GPA. Des femmes y sont prêtes à être mère porteuse pour moins de 15.000 euros, un montant qui peut correspondre pour elles à une dizaine d’années de salaire.

Mais la crise sanitaire a frappé cette chaîne de production. Avec la fermeture des frontières, le tourisme procréatif s’est restreint. Il n’est plus possible de se rendre dans les pays « producteurs » pour conclure un contrat ou pour récupérer l’enfant. Le leader des GPA en Ukraine, la clinique BioTexCom, se vantait avant la crise de réaliser à elle seule plus de 500 GPA par an pour des couples étrangers. Mais dès le premier confinement, la clinique a publié une vidéo dans laquelle 46 nouveau-nés de GPA sont « stockés » dans une nursery improvisée à cause de la fermeture des frontières, en attendant que les clients puissent venir les récupérer.

L’INDUSTRIE DE LA GPA : UN SYSTÈME REMIS EN CAUSE EN EUROPE

Et c’est dans ce contexte, face à la dérangeante réalité des ventres-à-louer et des usines à bébés, que les députés de la Lituanie ont voté une résolution, courant du mois de juin 2020, pour dénoncer la GPA comme contraire à la dignité humaine des femmes et des enfants. Ils invitent le gouvernement lituanien à mettre en place une coopération européenne contre la GPA.

Un mois plus tard, en novembre 2020, la Haute Cour du Danemark refuse d’établir une filiation entre un couple client de GPA et l’enfant au moyen de l’adoption. En effet, une transaction financière est incompatible avec l’adoption : cela reviendrait à acheter un enfant. Ce faisant, les juges danois s’inscrivent dans l’interprétation défendue depuis 2018 par la Rapporteuse spéciale de l’ONU sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, à savoir qu’en droit international, toute GPA commerciale est une vente d’enfants.

Avec le Brexit, le Royaume-Uni – principal promoteur de GPA en Europe – quitte l’Union Européenne. Les 27 ne comptent plus que 3 pays autorisant la GPA sur leur sol (Roumanie, Grèce, Portugal) quand 19, dont la France, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, interdisent explicitement cette pratique. La GPA semble donc de plus en plus marginalisée au sein de l’Union européenne.

CONTRER LE TOURISME PROCRÉATIF

Le rapport du Parlement européen de 2021 s’inscrit dans ces évolutions et « prie instamment la Commission de présenter (…) des mesures et des stratégies visant à réduire la demande » de toutes les formes de traite d’êtres humains, dont la GPA. Il dénonce aussi « l’utilisation émergente d’internet à des fins d’exploitation ». S’agit-il seulement d’un vœu pieux ?

L’Union européenne pourrait sur ce point prendre exemple de la France, qui a rendu inaccessibles des sites internet vendant des prestations de GPA par voie judiciaire en octobre dernier, en application d’ailleurs de la directive européenne sur le retrait de contenu illicite. Des outils pour contrer le tourisme procréatif, en tout cas, semblent en place.

Le business de la GPA est un enjeu transnational, qui nécessite une coopération accrue entre les pays. Avec la révision des lois de bioéthique, les députés français se saisiront-ils de ces dynamiques européennes ?

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