Le week-end dernier, à Paris, des sociétés étrangères spécialisées dans le business de la fertilité sont venues au salon « Désir d’enfant » proposer aux Français des prestations que la loi française, la méchante, leur refuse : gestation pour autrui (GPA) bien sûr mais aussi toute la gamme des possibilités offertes par la technologie pour programmer au plus près l’enfant désiré.
Une fois le désir devenu droit, il est bien difficile d’accepter des limites ressenties comme arbitraires puisqu’envisagées au seul prisme du désir individuel. Au salon bien nommé Désir d’enfant, le ton est donné par l’une des banques de sperme qui annonce sans pudeur : « Trouvez le donneur parfait à votre façon », avec choix de la couleur de ses cheveux, ses yeux, sa race, en vue de « l’enfant de vos rêves » (European sperm bank).
Le Conseil d’Etat, dans son rapport de 2018 sur la bioéthique, posait lucidement la question : « En dissociant sexualité et procréation et en faisant de l’enfant le produit de technologies scientifiques », « comment circonscrire.. le désir que l’enfant soit sinon parfait, du moins le moins « imparfait » possible ? »[1]. L’enfant n’est plus le fruit de l’union des personnes mais le résultat, le produit dit carrément le Conseil d’Etat, d’un processus technologique : or, qui dit résultat dit, très vite, attente de résultat. Qu’on le veuille ou non, la procréation technologique est liée à l’eugénisme car elle suscite des situations de choix, et donc de sélection : il faudrait vraiment être idiot pour choisir un donneur malade et, quitte à choisir, pourquoi ne pas se renseigner sur son QI ou sa taille ? S’il y a 10 embryons sur la paillasse et qu’un seul sera implanté, il faudrait vraiment être idiot pour ne pas sélectionner l’enfant en bonne santé et choisir le sexe, au passage, cela change quoi au juste ?
Point de place pour la déception : certaines formules premium, au salon, garantissent un enfant sain. Voulez-vous savoir comment une agence ukrainienne garantit un enfant sain ? Il suffit de demander, et une commerciale souriante explique que, si l’enfant est handicapé, les clients pourront le refuser. Il ira à l’orphelinat et l’agence offrira une nouvelle GPA, gratuite.
Le Conseil d’Etat était lucide, mais incapable de tirer de ses propres constats la moindre décision. Et que dire des pouvoirs publics qui se complaisent dans le déni de ce qui se passe sous leurs yeux ? Le Tribunal administratif de Paris a balayé, l’an passé, sans même une audience, deux référés-libertés. Le Conseil d’État a mis deux mois à traiter le pourvoi pour finir par oser dire que, l’événement (le salon) étant passé, la requête était devenue sans objet (!). Une plainte pénale déposée il y a un an n’a toujours pas été traitée. Quant à la préfecture de Paris, elle répond qu’ « aucun élément probant ne permet d’attester avec certitude que ce salon serait le lieu de commission de tels délits »[2](entremise en vue de la GPA), alors même que les auteurs de ce délit se vantent de le commettre puisque c’est l’objet de leur commerce : « relisez l’énoncé ! », a-t-on envie d’écrire en rouge sur le courrier de la préfecture. Sauf que ce n’est pas une (mauvaise) copie d’examen, c’est la loi qui n’est pas respectée en France. Et des enfants qui sont vendus, et achetés.
[1]Rapport CE 11 juillet 2018, p. 44.
[2]Courrier du 27 août 2021 adressé à Juristes pour l’enfance.