Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Table des matières

 

• Chrétiens Magazine Quelle est votre réaction après la décision du Conseil d’État de maintenir publique, l’exposition du Palais de Tokyo et donc du tableau scabreux « Fuck abstraction » ?

• Aude Mirkovic Cette décision irresponsable du juge des référés du Conseil d’Etat, Thomas Andrieu, maintient l’exposition publique d’un tableau représentant une scène pédopornographique, figurant de façon explicite et crue le viol d’un enfant. Nous posons donc tout simplement la question : quand la société va-t-elle prendre au sérieux la protection des mineurs? Quand va-t-on arrêter de s’en tenir aux belles déclarations pour passer aux actes ?

Cette décision est incompréhensible au regard de la loi tout d’abord, mais aussi des objectifs affirmés de protection de l’enfance contre l’exposition à la pornographie. Elle est hélas dans la ligne de celles qui osaient encore, en 2017, 2018 ou 2019, affirmer qu’une fillette de 11 ou 13 ans pouvait être considérée comme consentante à un acte sexuel avec un majeur. 

Dès lors qu’il s’agit de sexualité ou, ici, de la représentation de la sexualité, certains juges semblent paralysés et incapables de protéger l’enfance. 

Il a fallu une loi de 2021 pour mettre fin aux errances des juges en matière de consentement prétendu d’un enfant à un acte sexuel avec un mineur de 15 ans. En ce qui concerna la diffusion d’une scène de pédocriminalité, la loi existe déjà: c’est le code pénal qui sanctionne la diffusion de la représentation pornographique impliquant un mineur (art. 227-23), ainsi que le fait de diffuser un contenu pornographique accessible à la vue des mineurs (article  227-24 du code pénal). 

Le Conseil d’Etat a donc rendu aujourd’hui une décision inexplicable, en contradiction totale en plus avec la teneur de l’audience : l’audience avait été de très bonne tenue, les débats bien menés avaient permis un échange des points de vue ordonnés. Nous avions un sentiment très positif en sortant. Tout ça pour que le Conseil d’Etat finisse pas énoncer des excuses comme « aucun mineur visitant seul l’exposition n’a été signalé et qu’aucun incident né de la présence d’un mineur devant le tableau en cause n’a été recensé » : déjà, ce constat est faux et un journaliste a justement raconté de quelle manière il a vu des enfants en sortie scolaire errer seuls dans l’exposition, le professeur leur ayant dit : « on en parle après ». 

Surtout, est-il vraiment nécessaire d’attendre que les dégâts de l’exposition de ce type de scènes pédopornographiques soient constatés pour agir ? Il a fallu des livres comme ceux de Vanessa Springora ou Camille Kouchner pour que la société, enfin, admette les dégâts de la pédophilie sur des enfants : est-ce que le Conseil d’Etat veut donc attendre des témoignages de vies d’enfants dévastées par l’exposition à ce type de pédopornographie prendre la mesure de l’enjeu de la protection de l’enfance?  

Tristesse, gâchis et honte. Voilà les mots qui me viennent à l’esprit à la lecture de cette décision incompéhensible. Cependant, nous sommes fiers d’envoyer le message aux jeunes que nous ne baisserons pas les bras et qu’ils peuvent compter sur nous pour défendre l’enfance envers et contre tout, y compris ce type de décisions iniques. 

Un jour ou l’autre, la justice reprend ses droits mais que de dégâts et malheurs auraient pu être épargnés à de nombreux enfants.

 

Deux infractions pénales à la protection des mineurs

• Chrétiens Magazine Ce qui peut choquer, c’est de devoir être lourdement armé pour défendre l’évidence : l’enfant doit être protégé face à la  désenctuaristion de l’enfance dans la chose publique. Est-ce une vue de l’esprit ou constatez-vous une banalisation de ce phénomène extrêmement choquant 

• Aude Mirkovic En effet, il est déstabilisant de constater que l’exposition publique d’une scène pédopornographique caractérise deux infractions pénales : tout d’abord, exposer une image à caractère pornographique impliquant un mineur est un délit pénal (article 227-23 du code pénal) et, l’exposition étant ouverte aux mineurs (et gratuite pour eux!), une seconde infraction est caractérisée, à savoir le fait de diffuser un message à caractère pornographique lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur (article 227-24 du code pénal).

L’enfant n’est pas protégé par la justice

L’association Juristes pour l’enfance a donc déposé une plainte devant le procureur de Paris. Et, pour faire cesser le trouble et l’atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant qui résulte de l’exposition dans la scène publique d’une scène de pédopornographie, nous avons déposé un référé-liberté devant le juge administratif. Plusieurs associations de défense des victimes se sont jointes à ce recours. Or, notre requête a été rejetée en première instance : il faut donc se rendre à l’évidence, une partie de la société, représentée par certains juges, n’est toujours pas décidée à passer à l’acte en matière de protection de l’enfance contre la pédocriminalité.

Il faut dire qu’on revient de loin : dans les années 70-80, c’est la littérature qui servait de prétexte à la banalisation de la pédophilie. Plus proche de nous, en 2017,18 et 19 des juges osaient encore considérer que des fillettes de 11 ou 13 ans pouvaient être consentantes à un acte sexuel avec un majeur. Cette fois-ci c’est encore la création artistique, la peinture cette fois, qui sert de prétexte.

La culture du viol d’enfant

Le Palais de Tokyo prétend qu’il suffit d’expliquer les choses aux enfants pour pouvoir leur montrer n’importe quoi. 

C’est faux. 

Les enfants ne sont pas des adultes en miniature, ce sont des enfants. Et l’exposition à la pornographie entraine une violence grave, une effraction dans leur psychisme qui peut être qualifiée de viol psychique. 

Il faut donc les protéger, et les protéger efficacement et mettre fin à la complaisance : dès qu’il s’agit de sexualité, certains se comportent comme si aucune limite n’était tolérable. Nous considérons au contraire, et le code pénal avec nous, que la protection de l’enfance justifie de mettre des limites à la diffusion de cette culture du viol d’enfants.

 Peu importe que l’intention alléguée soit de dénoncer ceci ou cela, la diffusion d’images pédopornograpiques diffuse la culture du viol d’enfant, et l’exposition des enfants à ces images est une situation traumatique majeure.

La ministre de la culture, mme Rima Abdul Malak s’en lave les mains

• Chrétiens Magazine Le 21 mars 2023, l’actuelle ministre de la culture, Mme Rima Abdul Malak avait été interrogée à l’Assemblée Nationale par la députée Caroline Parmentier lors des questions au gouvernement, pour le retrait de ce tableau provocateur et honteux. La ministre avait alors lu une réponse déconcertante justifiant le bien-fondé artistique du dit tableaux en ponctuant d’un lavement de main : « l’art peut choquer « .

Comment peut-on à ce point, être dépourvu du sens des responsabilités vis à vis de la protection de l’enfance ? Comment est-ce possible ? Est-ce que la ministre n’esquive pas là son devoir, et est-ce que ce défaut de responsabilité est inattaquable juridiquement ?

• Aude Mirkovic Hélas les propos de la Ministre ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans un double discours : à la fois on prétend vouloir protéger les enfants mais, en pratique, il faudrait que cette protection ne suppose aucune exigence pour les adultes.

Voyez les annonces du gouvernement pour protéger les enfants contre la pornographie en ligne : c’est très bien, mais nous attendons toujours des actes. Il n’est pas compliqué de rendre inaccessibles tous les sites proposant des contenus pornographiques qui ne permettent pas de vérifier que la personne qui y accède est majeure. Seule la volonté politique manque.Concrètement, il faudrait que la personne donne son identité, et pourquoi pas une copie de sa carte d’identité pour l’attester. Immédiatement on crie à l’atteinte à la vie privée des usagers de ces sites : mais quelle atteinte ? Lorsque vous voulez louer une voiture, vous présentez votre permis de conduire, votre carte d’identité afin de vérifier que vous avez bien le droit de conduire une voiture, et la vie privée de personne n’est en cause. Pourquoi faudrait-il ménager l’anonymat des consommateurs de porno ?

La liberté artistique n’est pas sans limite

Le résultat est que l’enfance est sacrifiée, parce que les enfants ont accès, parfois sans même le rechercher, à ces contenues pornographiques. Si on veut vraiment protéger les enfants de l’exposition à la pornographie, il faut contrôler l’accès au porno et cesser la complaisance actuelle.

L’affaire du Palais de Tokyo est dans la même veine : la sacro-sainte liberté artistique ne pourrait supporter aucune limite. Et le résultat est encore que les enfants sont les victimes de cette paralysie à agir. Oui à la liberté artistique, bien sûr, mais elle n’est pas sans limite et, concrètement, une limite est la diffusion de la pédopornographie.

• Chrétiens Magazine Quelles sont actuellement les autres sources de préoccupations de l’Association Juristes pour l’enfance ?

Elles sont multiples, mais c’est un petit peu toujours la même chose : la société promeut le mythe d’une prétendue auto-détermination. Pour être vraiment libre, chacun devrait se libérer de tout ce qu’il n’a pas choisi, tout ce qu’il a reçu. Cela conduit notamment à considérer l’autorité parentale comme un prétendu carcan dont il faudrait libérer les enfants, ce qui conduit à mettre sur leurs épaules des responsabilités qu’ils ne sont pas en mesure de porter, car ce n’est pas de leur âge. Par exemple, l’éducation nationale leur propose d’autodéterminer leur identité de « genre », et de décider eux-mêmes s’ils sont des garçons ou des filles. Cela revient encore une fois à ignorer le temps de l’enfance pour traiter les enfants comme de petits adultes, ce qu’ils ne sont pas.
Dans de nombreux domaines, on veut croire qu’il suffirait d’expliquer les choses aux enfants pour que rien n’ait d’importance : ainsi, en matière de procréation, la filiation est de plus en plus détachée de sa réalité charnelle pour reposer sur la seule volonté de l’adulte et son projet parental. Cela conduit au don de gamètes, à la PMA sans père, la GPA etc. Ce sont des injustices pour les enfants car être privé de son père par les malheurs et aléas de la vie, c’est déjà difficile. Mais être privé de son père, et de père tout court, par la loi qui organise la PMA pour les femmes célibataires, par exemple, c’est insupportable.

Il ne suffit pas d’expliquer à l’enfance en toute transparence l’histoire de sa conception pour tout compenser : expliquer à l’enfance de quelle manière il a été privé de père, ne remplace pas le père en question. Lui donner l’information concernant l’identité de son géniteur, le donneur dont il est issu, n’a pas l’effet d’une baguette magique pour réparer la souffrance et les difficultés pour lui à construire son identité qui en résultent. Il ne suffit pas de lui expliquer la gestation par autrui dont il a fait l’objet pour que la maltraitance qui en découle disparaisse par enchantement etc. 

Parents, exprimez-vous !

Les enfants – car ce sont les adultes de demain – et des enfants maltraités auront du mal à être des adultes respectueux des autres. Avec la protection de l’enfance, c’est la qualité du lien social qui est en jeu. C’est pourquoi nous travaillons pour obtenir des décisions ambitieuses en faveur de l’enfance, et sortir la société de sa frilosité et de sa complaisance : non les enfants ne sont pas un variable d’ajustement aux désirs des adultes, quels qu’ils soient.

Chacun peut agir car savez-vous ce qui nous est opposé, le plus souvent, lorsque nous intervenons en faveur de l’enfance ? Le fait que personne ne s’est plaint, que nous sommes les seuls à réagir, la preuve que nous sommes à côté de la plaque. Cela arrive très souvent à des parents qui demandent à un professeur de revoir le choix d’un livre ou d’un spectacle : « personne n’a rien dit, vous êtes les seuls à trouver cela inadapté à l’âge de votre enfant ».

Même chose pour un directeur d’établissement scolaire qui tente de mettre un peu d’ordre dans les initiatives hasardeuses de certains enseignants ou intervenants extérieurs : « personne ne s’est plaint, aucun parent n’a rien dit, c’est bien la preuve qu’il n’y a pas de problème ». On pourrait multiplier les exemples. 

Personne ne dit rien, parce que les parents râlent sur le coup et puis passent à autre chose, ou bien ont peurque leur enfant ne soit remarqué, chacun trouve une bonne excuse. Comme qui ne dit mot consent », le résultat est que « qui ne dit mot est complice ». 

La protection de nos enfants est l’affaire de tous, chaque famille peut contribuer en s’exprimant et ceux qui sont aux postes de décisions pourront alors s’appuyer sur cela. Par exemple, le directeur d’une école pourra dire à ses enseignants : « je ne veux pas avoir tous les parents sur le dos alors trouvez un autre livre. Une autre sortie scolaire. Un autre sujet d’exposé… ». Encore faut-il que les parents s’expriment (même chose pour les électeurs !)

Partagez:

A découvrir également

Découvrez les autres sujets que nous avons abordés