Article d’Olivia Sarton , notre Directrice Juridique, pour VILLAGE de la JUSTICE le 16 OCTOBRE 2025 : Retrouvez l’article complet en ligne ici
Commentaire de l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Versailles le 24 juin 2025.
Une jeune fille de 12 ans adoptant une identité de genre garçon avec changement de son prénom à l’état civil peut-elle reprocher à l’organisateur d’un séjour de vacances d’avoir été placée dans une chambre de filles et non dans un dortoir de garçons, comme elle le demandait ?
Telle est la question tranchée par la cour administrative d’appel de Versailles le 24 juin 2025 qui répond par la négative et valide la décision de l’organisateur du séjour d’avoir placé la jeune fille dans une chambre de filles sur le critère de son sexe, quelle que soit par ailleurs son « identité de genre ».
Une jeune fille de 12 ans adoptant une identité de genre garçon avec changement de son prénom à l’état civil peut-elle reprocher à l’organisateur d’un séjour de vacances d’avoir été placée dans une chambre de filles et non dans un dortoir de garçons, comme elle le demandait ?
Telle est la question tranchée par la cour administrative d’appel de Versailles le 24 juin 2025, qui répond par la négative et valide la décision de l’organisateur du séjour d’avoir placé la jeune fille dans une chambre de filles sur le critère de son sexe, quelle que soit par ailleurs son « identité de genre ».
Si la décision est juridiquement justifiée, la motivation est en partie critiquable.
Les faits soumis étaient les suivants :
Emma C. née en 2010 a obtenu un changement de son prénom à l’état civil en 2022, l’année de ses 12 ans.
Elle est désignée dans le litige par la juridiction saisie comme « garçon transgenre ».
Quelques mois après son changement de prénom, Emma, devenue Elliot à l’état civil, a été inscrite par sa mère à un séjour de vacances aux sports d’hiver organisé par la commune de Puteaux. Avant le début du séjour, la mairie a informé la mère qu’Elliot serait dans un dortoir de filles pour la durée du séjour. La mère a formé un recours gracieux que la commune de Puteaux a rejeté. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise en référé et au fond.
Les 21 et 22 février 2023, le Tribunal administratif a rejeté ses requêtes en référé.
Le 13 juin 2024, il l’a déboutée au fond. La mère a interjeté appel de cette décision. La Cour administrative de Versailles a rejeté sa requête en annulation le 24 juin 2025, en répondant aux arguments développés.
Le raisonnement de la cour d’appel de Versailles s’est articulé en deux parties, l’une très claire et juridiquement fondée, l’autre singulièrement tortueuse et peu convaincante.
La Cour a tout d’abord justement rappelé que les dispositions de l’article R. 227-6 du Code de l’action sociale et des familles visaient le sexe de naissance et pas le genre choisi.
Dans sa requête, la mère soutenait que les dispositions de l’article R. 227-6 du Code de l’action sociale et des familles (« Les accueils avec hébergement mentionnés à l’article R. 227-1 doivent être organisés de façon à permettre aux filles et aux garçons âgés de plus de six ans de dormir dans des lieux séparés. ») avaient été méconnues puisque l’organisation du séjour de vacances entendait placer Eliott dans une chambre de filles. La mère de famille alléguait que son enfant était de genre masculin. Elle avançait le changement de prénom mentionné sur sa carte d’identité et une attestation de l’hôpital Robert Debré qui suivait l’enfant dans la consultation d’endocrinologie pédiatrique.
La Cour administrative de Versailles a répondu que « les dispositions de l’article R. 227-6 du Code de l’action sociale et des familles devaient être entendues comme différenciant les enfants selon leur sexe et non selon leur genre et comme retenant une obligation de non-mixité lors des accueils avec hébergement pour les enfants de plus de six ans. » Constatant ensuite qu’il ressortait des pièces du dossier, notamment du certificat de naissance et de la carte nationale d’identité que l’enfant était de sexe féminin, quand bien son prénom d’origine Emma avait été remplacé par Elliot, elle en a conclu que l’article R. 227-6 n’avait pas été méconnu.
Le raisonnement de la Cour va à l’essentiel, sans fioriture, et tire les conclusions qui s’imposent des faits de l’espèce.
Cependant, si la Cour conclut également que la décision de la commune n’avait pas porté au droit de l’enfant au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, et qu’il n’y avait pas eu de discrimination, c’est au terme d’un raisonnement plutôt tortueux.
Aux termes de l’arrêt, la mère de famille soutenait que la décision de la mairie de Puteaux était discriminatoire dès lors que la commune avait demandé la production d’un certificat médical, non prévue par les textes, que le sexe de son enfant n’aurait pas dû être rendu public et que les principes de la circulaire Blanquer avaient été méconnus. Elle alléguait ensuite que l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme avait été méconnu car il aurait été porté atteinte au respect de la vie privée de son enfant.
En réponse, la cour administrative a cru bon d’avancer les démarches menées par la commune de Puteaux pour traiter la situation : prise de contact avec le service départemental à la jeunesse pour connaître la conduite à tenir, essai de placement en chambre de garçons – la solution n’ayant pu aboutir faute de chambre disponible -, absence de volonté de discrimination. La cour en a conclu que :
« la décision d’hébergement en chambre de filles, pour un séjour facultatif en montagne d’une durée d’une semaine, ne peut être regardée dans les circonstances particulières de l’espèce, et compte-tenu notamment des contraintes matérielles s’imposant à la commune ainsi que des démarches engagées par celle-ci pour y remédier, comme ayant porté au droit de l’enfant au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise, alors au demeurant qu’il n’est pas contesté que cet enfant avait été inscrit l’année précédente à un séjour de vacances où il avait été placé en hébergement avec des filles sans qu’il soit établi que cette situation ait été perçue comme une méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention précitée ».
Remarquons tout d’abord comme cette affaire illustre bien de quelle manière la « transition sociale » des mineurs, encouragée notamment par la circulaire dite Blanquer du 29 septembre 2021, opère une disqualification de la loi.
En effet, mettre en place la transition sociale revient à mettre en œuvre un changement juridique de sexe de fait, alors même qu’il est interdit en droit pour les mineurs non émancipés : la jeune fille de 12 ans est ainsi désignée comme un garçon (« transgenre ») dans l’arrêt rendu par la cour, dans le certificat médical rédigé par un hôpital participant au service public, dans l’argumentaire de la mère de famille. Pourtant, la loi ne permet pas à une jeune fille de 12 ans de changer la mention de son sexe à l’état civil. Ainsi la transition sociale constitue bien un contournement de la loi, qui prive le mineur de la protection que la loi lui assure en l’obligeant à attendre sa majorité pour demander un « changement de sexe » et ne peut qu’être source d’égarement pour le mineur concerné.
Face à cette situation, la cour aurait dû maintenir ferme son appui sur la loi et refuser d’entrer dans les arguties développées par la mère de famille relatives au respect de la vie privée.
Car, outre le respect des dispositions protectrices fixées par le Code civil pour les mineurs, la Cour aurait gagné à relever la contradiction inhérente soulevée par Aude Mirkovic [1] : « si en effet le ressenti d’une personne relève de sa vie privée, il convient qu’il y reste car étant « privé », il n’a pas vocation à impacter la vie sociale, c’est-à-dire les autres. Au contraire, le sexe, lui, a bel et bien un impact social, que la réduction du sexe à un ressenti « privé » permet d’ignorer, ce qui génère la violence et ruine le lien social. »
Au nom du respect du droit de la vie privée, revendiquer que le ressenti d’un enfant relatif à son identité sexuée s’impose dans la vie publique – en l’occurrence à l’organisation d’un séjour de vacances par une commune – créée des situations insolubles ou définitivement absurdes comme de vouloir imposer à un dortoir de filles l’accueil d’un garçon se ressentant fille ou inversement.