A l’attention de Monsieur le président Ukrainien Volodymyr Zelensky
Paris, le 11 Mai 2020
Monsieur le président,
Nous avons été alertées par les images choquantes diffusées sur le net par Biotexcom, une clinique de Kiev qui propose à des parents commanditaires de tous les pays des services de fécondation assistée et de maternité de substitution encore appelée Gestation pour autrui (GPA).
Biotexcom a improvisé une grande crèche (appelée « chambre maternelle » malgré l’absence de mères) dans le hall de l’Hôtel Venezia, où sont hébergés 46 nouveau-nés et nourrissons, âgés de quelques heures à quelques semaines, mis au monde par des mères porteuses contre paiement par des « parents d’intention », citoyens de nombreux pays du monde, dont l’Italie, l’Espagne, la France …
En raison du confinement lié au Coronavirus, les commanditaires ne peuvent pas se rendre en Ukraine pour récupérer les enfants commandités, littéralement entassés dans un hôtel en attente de leur libération.
Malgré les assurances de Biotexcom, il n’y a aucune certitude quant à l’état de santé psychophysique de ces enfants ou quant à leur prise en charge adéquate.
Le recours à la maternité de substitution est proscrit par un grand nombre de pays. Ailleurs dans le monde, telle qu’elle est très majoritairement pratiquée, la GPA a été expressément reconnue par la Rapporteuse spéciale des Nations-Unies comme de la vente d’enfants au sens du Protocole additionnel à la Convention des droits de l’enfant (Rapport 2018).
Au niveau européen, le Parlement a condamné sa pratique « qui va à l’encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises; [le Parlement Européen] estime que cette pratique, par laquelle les fonctions reproductives et le corps des femmes, notamment des femmes vulnérables dans les pays en développement, sont exploités à des fins financières ou pour d’autres gains, doit être interdite et qu’elle doit être examinée en priorité dans le cadre des instruments de défense des droits de l’homme » (§115 Résolution du parlement européen du 17 décembre 2015 sur le rapport annuel de 2014 sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et sur la politique de l’Union Européenne en la matière (2015/2229(INI))
La situation de ces enfants, bloqués en Ukraine, en raison des mesures de protection liées à la pandémie actuelle, est symptomatique des méfaits que peut engendrer le recours à la maternité de substitution transnationale.
Aussi, en tant que Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution, nous demandons, à ce que, dans l’immédiat, des mesures soient prises pour assurer au mieux la sécurité de ces nouveaux nés.
Il s’agirait de :
1. collecter des informations sur Biotexcom et les autres cliniques ukrainiennes qui offrent le service de « gestation pour autrui » et qui détiennent actuellement des enfants en violation totale des droits humains les plus élémentaires ;
2. vérifier les conditions réelles de santé et de vie des enfants ;
3. vérifier si la naissance de ces enfants a été répertoriée de quelque manière que ce soit en conformité avec les règles administratives ukrainiennes afin d’éviter le risque que quiconque puisse s’en approprier quel qu’en soit le but ;
4. vérifier combien et qui sont les « clients » étrangers de Biotexcom et d’autres cliniques ;
5. éviter que des autorisations spéciales soient accordées aux futurs parents, par dérogation aux mesures de sécurité liées au Covid-19, pour se rendre en Ukraine afin de « retirer » les enfants ;
6. prendre toutes les mesures nécessaires pour ces enfants détenus dans les cliniques ukrainiennes en les confiant de préférence aux mères qui les ont mises au monde, ou, si elles ne le peuvent, ou n’ont pas l’intention de s’en occuper, à des familles d’accueil ou, à défaut, les confier à l’adoption.
Il est patent que cette situation critique a été engendrée par les lois permissives de votre pays en matière de maternité de substitution ainsi que par l’absence de contrôles publics adéquats sur ce type d’activité, que ce soit les cliniques, les juristes et les intermédiaires qui la pratiquent ou y contribuent.
Nous espérons que vous partagez notre grande préoccupation pour la situation actuelle et le sort de ces nouveau-nés et ne manquerez pas de prendre les mesures adéquates.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’assurance de nos sentiments respectueux.
Ana-luana Stoicea Deram et Marie Josèphe Devillers, co-présidentes de la Coalition Internationale pour l’abolition de la Maternité de Substitution