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Instruction en famille devant le Conseil constitutionnel (tribune la Croix 4 aout 2021)

Table des matières

Instruction en famille : sauvegardons notre humanité !
Tribune Pour Armelle Borel, Laurence Fournier, Julie Larcher, Jean-Baptiste Maillard et Olivia Sarton (1), la volonté du gouvernement d’obliger tous les enfants à aller à l’école dès l’âge de 3 ans signale une profonde défiance envers les parents et va à l’encontre de l’esprit de plusieurs grands textes internationaux.
Dans le cadre du projet de loi « confortant le respect des principes de la République » contre le séparatisme, le gouvernement veut limiter l’instruction en famille à une « situation particulière de l’enfant ». Si cette loi passait, les parents ne pourraient plus choisir librement d’instruire leur enfant, la scolarisation entre les murs devenant obligatoire pour tous les enfants dès 3 ans.
L’instruction en famille bénéficiait pourtant d’une bonne image… jusqu’à ce que le gouvernement décide de la réduire drastiquement. En cause ? Des dérives – exceptionnelles, selon le ministre lui-même – contre lesquelles le gouvernement souhaite empêcher tout parent de choisir ce mode d’instruction.
L’enseignement à domicile ne serait donc plus autorisé que pour une liste de motifs restreints basés sur une situation propre à l’enfant, balayant toute conviction personnelle des parents – religieuse, politique, philosophique ou pédagogique – mais aussi des enfants, et toute situation propre aux parents.
Cette défiance a priori vis-à-vis de la famille pose question : l’enfant serait-il par défaut, selon le ministère, en danger en compagnie de ses parents ?

Les valeurs éthiques des parents

Pourtant, la Déclaration universelle des droits de l’homme décrit les parents comme garants du type d’éducation de l’enfant : « Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants. » (article 26).
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques évoque aussi cette liberté parentale dans le contexte du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. (…) Les États (…) s’engagent à respecter la liberté des parents (…) de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions. »
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant souligne elle-même l’importance primordiale de la famille pour l’enfant, et la protection dont elle doit bénéficier : « Convaincus que la famille, unité fondamentale de la société et milieu naturel pour la croissance et le bien-être de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rôle dans la communauté, reconnaissant que l’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d’amour et de compréhension. »
D’ailleurs, on ne demande pas aux parents de justifier leurs motivations pour inscrire leurs enfants à l’école publique ou privée…
Tout se passe comme si la motivation parentale de l’enseignement à domicile était par défaut, pour le ministère, néfaste pour l’enfant.
Pourtant, les principales raisons qui poussent les parents à instruire à domicile sont pleinement positives pour l’enfant : il s’agit de respecter le rythme des plus jeunes, de s’adapter à une souffrance scolaire, mais aussi de vivre un projet familial, ou de répondre à une organisation incompatible avec l’école. Parfois, ce sont l’insécurité des écoles, le faible taux d’encadrement, les journées trop longues ou encore le manque de diversité pédagogique qui peuvent inciter les parents à les éduquer eux-mêmes.
Ces motivations sont bien des convictions parentales : en cela elles ne rentreront pas dans les exceptions prévues par le ministère. Et pourtant, elles participent pleinement à l’épanouissement de l’enfant dans la dignité, de la part de parents bienveillants et engagés.
Éduquer soi-même ses enfants est un droit ancien et naturel. En réalité, rien ne justifie de séparer ainsi, contre leur gré, parents et enfants, dès les 3 ans de ceux-ci, à un âge où ils ont encore de forts besoins affectifs.
Aucun autre pays ne possède, à l’heure actuelle, un système aussi coercitif que celui prévu par le projet de loi. Si l’Allemagne ou la Suède empêchent l’instruction en famille, l’école n’y commence qu’à 5 ou 7 ans, avec des journées bien moins longues, un meilleur taux d’encadrement, des pédagogies plus variées, et davantage de possibilités pour les parents de choisir leur école.
Rappelons que l’école française est loin d’être parfaite, que de nombreux problèmes d’insécurité y ont lieu, qu’elle manque encore d’inclusivité et qu’il faut savoir le reconnaître, parfois les enfants se développent mieux, pour une période plus ou moins longue, dans un cadre permettant des apprentissages réellement personnalisés.
L’Unesco n’a-t-elle pas une définition large et humaniste de l’éducation ? « La finalité de l’éducation devrait être fondamentalement vue en termes de morale et d’éthique, et comme étant celle de “préserver et de promouvoir la dignité, la capacité et le bien‐être de la personne humaine en relation avec les autres et avec la nature” » (2).
En conclusion, gardons la confiance, normale et naturelle, envers les parents, premiers éducateurs de leurs enfants. En tant que titulaires de l’autorité parentale, ils sont investis de la mission de protection des droits de leurs enfants : leur responsabilité et leurs libertés fondamentales ne sauraient leur être retirées a priori.
(1)Julie Larcher,Fédération pour la Liberté du Choix d’Instruction et des Apprentissages (Félicia), Jean-Baptiste Maillard, secrétaire général de l’association Liberté Éducation, Olivia Sarton, directrice scientifique, Juristes Pour l’Enfance, Armelle Borel, Union Nationale pour l’Instruction et l’Épanouissement (UNIE), Laurence Fournier, Collectif L’École Est La Maison (EELM).
(2) Les futurs de l’éducation

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