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Et le SNU, ça en est où?

Table des matières

Chroniques des SNU.- Stages Normatifs chez UBU
Texte original sur la page Facebook d’UBU
Chronique du 14 novembre 2021
LE S. N. U. EN COSTUME POÉTIQUE
Le gouvernement vient de déclarer ouvertes les inscriptions pour l’édition 2022 du S.N.U. Nous voici donc obligés de reprendre la plume de cette chronique, malgré notre lassitude. Car il devient fatigant de relever toutes les preuves d’échec de cette opération et de constater, en même temps, que M. Macron s’obstine, uniquement pour des raisons d’affichage électoral.
Cette chronique sera donc une simple récapitulation d’informations tirées de 3 sources officielles : le projet de loi de finances pour 2022 (document dit « bleu budgétaire ») ; les évaluations réalisées par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (I.N.J.E.P.) ; et l’avis du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (C. O. J.) du 12 mars 2021.
Mais, pour nous donner du cœur à l’ouvrage, nous instillerons un parfum de poésie dans ces descriptions rébarbatives, avec des citations du Cimetière marin de Paul Valéry.

I/ LE S.N.U. TOUJOURS RECOMMENCÉ

Paul Valéry : « La mer, la mer toujours recommencée ».
Comme en 2018, 2019 et 2020, le gouvernement annonce avec des accents triomphaux l’ouverture des inscriptions pour les sessions S.N.U. de l’année suivante. Pour 2022, 3 sessions de séjours de cohésion sont prévues, correspondant à l’ouverture de 50 000 places : 1 session du 13 au 25 février (4 000 places) et 2 sessions en début d’été (46 000 places) du 12 au 24 juin et du 3 au 15 juillet.
L’expérience des années précédentes montre que les chiffres annoncés ne sont jamais atteints. Un seul chiffre est fiable, à ce jour : celui du nombre des participants aux séjours de cohésion depuis le lancement du S.N.U., soit 16 632 (1 982 en 2019 + 14 650 en 2021). Restons sceptiques face aux éternels recommencements du S.N.U.

II/ LE S.N.U. IMMOBILE

Paul Valéry : « Achille, immobile »
Les défauts du S.N.U. fondé sur le volontariat sont maintenant bien connus : il n’intéresse qu’une frange de la population et le gouvernement ne parvient pas à dissiper un malentendu fondamental.
En 2021, 37 % des jeunes participants avaient un parent travaillant ou ayant travaillé dans un « corps en uniforme » (armée, gendarmerie, police, pompiers), alors que les métiers de militaires et de policiers ne représentent que 1% de la population nationale. Inversement, les jeunes suivant des filières professionnelles étaient fortement sous-représentés (11 % contre 33 % au plan national), ainsi que les jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville (4% contre 8%, avec cette réserve que le S.N.U. n’est ouvert qu’aux jeunes de nationalité française).
Cette appropriation majoritaire du S.N.U. par une certaine catégorie de la population française démontre d’une manière éclatante que l’intention de M. Macron n’a pas été comprise. Le terme « engagement » qui semble avoir été, dans son esprit, consubstantiel à la création du dispositif, a été pris dans un sens professionnel (« engagez-vous dans l’armée »), alors qu’il voulait lui donner un sens altruiste (« faites le bien autour de vous »). L’expérience semble montrer que les jeunes prêts à se dévouer spontanément auprès d’autrui se sont beaucoup moins manifestés que prévu.
Cette absence a d’ailleurs été assez étourdissante après l’instauration du premier confinement COVID, le 17 mars 2020. On aurait pu s’attendre à ce que, moyennant les précautions nécessaires, les jeunes devant accomplir une mission d’intérêt général (M.I.G.) au titre du S.N.U. soient massivement mobilisés. À cette date, sans doute à peine 30 % des 1 982 jeunes enthousiastes de la « première promotion » des séjours de cohésion du S.N.U. avaient accompli la M.I.G. qu’ils devaient avoir terminée avant le 30 juin ; la date limite ayant été reportée à la fin de l’année, tous auraient pu satisfaire à leur obligation en apportant de l’aide aux associations actives dans la pandémie. En fait, un tiers de ces 1 982 jeunes semble n’avoir accompli aucune mission, et près de la moitié des autres a effectué une mission tournée vers la formation aux carrières en uniforme. De même M. Attal avait déclaré que les 10 000 inscrits de 2020 pourraient réaliser leur M.I.G. avant de participer aux séjours de cohésion reportés (puis annulés) : en fait, 5 000 seulement paraissent avoir réalisé une mission, sans que l’on sache si elle a été en lien ou non avec l’aide sanitaire à la population.
En résumé, la « guerre » déclarée à l’épidémie COVID pouvait fournir au gouvernement l’occasion d’une offensive fulgurante pour démontrer l’utilité pratique et morale du S.N.U. Il n’en a rien été, tout simplement parce que le gouvernement n’a pas osé faire courir des risques aux jeunes, et que les jeunes n’y auraient pas consenti. Un État n’envoie pas sur les champs de bataille des jeunes de 16 ans arrachés à leur famille : voilà le malentendu fondamental qui discrédite le S.N.U.

III/ LE S.N.U. IMMOBILE À GRANDS FRAIS

Paul Valéry : « Achille, immobile à grands pas »
Le S.N.U., tel qu’il est actuellement conçu, est donc condamné à la paralysie. Tous les avis et les rapports remis au gouvernement lui signifient que, contrairement à son obsession, le S.N.U. fondé sur le volontariat ne peut pas être la préfiguration d’un S.N.U. obligatoire.
Le S.N.U. ne s’envolera donc pas. Mais les coûts, eux, s’envolent : 110 M€ sont inscrits au budget 2022 de l’État, gérés par 13 fonctionnaires d’administration centrale. Les crédits pour le S.N.U. seul dépasseront en 2022 les crédits pour l’ensemble des actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire (104 M€). De quoi faire réfléchir !
L’expression populaire « C’est tout un poème ! » désigne une situation bizarre, extraordinaire. Eh bien, disons le : le S.N.U., c’est tout un poème !

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