Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Passe vaccinal : Dans le domaine médical, le statut de minorité de l’enfant est grignoté (O. Sarton)

Table des matières

Dans une tribune publiée par Marianne le 11 janvier 2022, Olivia Sarton, directrice scientifique de l’association Juristes pour l’enfance, s’inquiète de l’abaissement de l’âge de la majorité à 16 ans dans de nombreux domaines, comme en témoignent les débats sur le passe vaccinal.

Tribune originale ICI

Le 5 janvier dernier, sur le plateau de CNews, la députée LREM Coralie Dubost a commenté en ces termes la limite d’âge à 16 ans en cours de discussion au Parlement pour l’accès aux activités extrascolaires avec passe vaccinal : « Oui parce qu’en fait vous avez la liberté à 16 ans. Depuis le passe sanitaire (…) C’est comme la liberté sexuelle à partir de 16 ans, vous avez le droit de vous faire vacciner, vous n’avez pas besoin de l’autorisation de votre parent. Vous êtes adulte, vous choisissez, il y a une émancipation à 16 ans pour le choix, (…), c’est cohérent avec tout notre droit sur le corps, le rapport au corps, à 16 ans, vous avez une liberté en France. Certains seront émancipés, d’autres pas, les 16 ans, c’est comme cela en France. Jusqu’à 16 ans, ce sont les parents qui prennent la décision sur le corps et au-delà de 16 ans, vous êtes libre, c’est pareil pour la majorité sexuelle. À 16 ans, vous avez le droit de vous faire vacciner en propre. »

Au-delà de l’altercation de la députée avec le journaliste Pascal Praud qui a retenu l’attention des médias, les propos tenus méritent qu’on s’y arrête pour analyser et rectifier une erreur juridique majeure.

SEUIL DES 18 ANS

Selon les termes de la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, l’enfance s’étend jusqu’au dix-huitième anniversaire. Le Préambule de cette Convention dispose que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance ».

Cette protection juridique appropriée passe dans notre pays par le statut de la minorité qui restreint la capacité juridique de l’enfant, de manière à le protéger contre les décisions préjudiciables ou prématurées aux conséquences graves qu’il pourrait vouloir prendre. Pendant la minorité, ce sont les parents qui, investis de l’autorité parentale par l’article 371-1 du Code Civil, prennent les décisions pour l’enfant et endossent les responsabilités qui en découlent.

On constate aujourd’hui, dans le domaine médical notamment ou plus largement dans ce qui touche au corps, que la protection juridique est fragilisée : le statut de la minorité est grignoté, au prétexte d’un progrès qui consisterait à rendre l’enfant juridiquement autonome de plus en plus tôt, en le « libérant » de la tutelle parentale. Les propos tenus par Coralie Dubost l’illustrent bien. L’utilisation des termes « liberté » et « libre » est frappante. Ainsi employés, ils semblent signifier que l’enfant serait, avant 16 ans, prisonnier de l’autorité parentale qui imposerait sa décision notamment au corps de l’enfant, faisant apparaître cette autorité comme particulièrement violente et arbitraire.

« Jusqu’au mois d’août 2021, il n’y avait pas de seuil d’âge dans la loi différenciant les mineurs dans le domaine médical au regard de leur capacité à consentir seuls. »

Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle, à partir de 16 ans, les enfants prendraient seuls les décisions qui concernent leur corps, est une erreur fâcheuse. Jusqu’au mois d’août 2021, il n’y avait pas de seuil d’âge dans la loi différenciant les mineurs dans le domaine médical au regard de leur capacité à consentir seuls.

Depuis la loi du 26 janvier 2016, un mineur peut demander à un médecin ou une sage-femme (ou un infirmier dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive) la mise en œuvre d’une action de prévention, de dépistage, un diagnostic, un traitement ou une intervention nécessaire à la sauvegarde de sa santé, sans le consentement de ses parents, et même sans les en informer s’il désire garder le secret.

La loi a également prévu la prescription, la délivrance ou l’administration de contraceptifs pour un mineur sans le consentement parental et enfin qu’une jeune fille mineure puisse interrompre une grossesse sans consentement ou consultation de ses parents. Mais aucun de ces textes ne distingue selon l’âge des mineurs.

Le premier seuil d’âge a été introduit par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire qui a prévu expressément que « par dérogation à l’article 371-1 du Code civil, la vaccination contre la Covid-19 peut être pratiquée, à sa demande, sur le mineur de plus de seize ans », passant ainsi outre l’éventuelle absence de consentement de ses parents.

« ADULTIFIER » L’ENFANT

L’erreur commise par la députée, pourtant juriste, qui consiste à généraliser un prétendu seuil d’âge de majorité à 16 ans pour les actes qui concernent « le corps » de l’enfant (le domaine médical, sa santé) est regrettable, et elle n’est sans doute pas un hasard. Elle participe à ce mouvement général qui voudrait précocement « adultifier » l’enfant pour reprendre un terme développé par la psychologue-psychanalyste et professeur des universités Céline Masson pour dénoncer « le mythe néfaste de l’autodétermination de l’enfant ».

« Comment justifier d’enlever à l’enfant, au moment il en a le plus besoin, la protection juridique que confère le statut de minorité ? »

C’est dans ce mouvement que s’inscrit la demande actuelle d’accéder sans conditions aux demandes de transition d’un enfant en questionnement de genre. Et c’est l’erreur juridique diffusée par Coralie Dubost ou ses pairs qui conduit des établissements scolaires à accéder aux demandes de transition sociale de leurs élèves, sans l’accord de leurs représentants légaux. Les parents d’une jeune fille de 15 ans scolarisée en secondedans un lycée parisien du 17e arrondissement ont ainsi récemment découvert fortuitement que, depuis plusieurs semaines, elle était interpellée au lycée par un prénom et des pronoms masculins, sans que leur consentement ait été recherché ni même qu’ils aient été informés.

Ce faisant, c’est bien la protection juridique spéciale et appropriée due à l’enfant qui est gravement atteinte alors que, dans le même temps, la nécessité d’une telle protection est accréditée par les découvertes en psychologie et neurosciences les plus récentes. Celles-ci montrent par exemple que les adolescents ont « un cortex préfrontal médian (à l’avant du cerveau) plus réactif que celui des adultes, ce qui leur inflige d’intenses émotions relatives à la conscience sociale, autrement dit la façon dont on pense être vu par les autres en société ».

L’adolescence est désormais définie comme une période s’étendant de 12 à 20 anspendant laquelle« l’émotion l’emporte plus facilement sur la raison car la maturité du cortex orbito-frontal, partie la plus évoluée du cerveau, impliquée dans la planification et la résolution des problèmes, ne sera atteinte qu’aux alentours de 25 ans ». Dans ces conditions, comment justifier d’enlever à l’enfant, au moment il en a le plus besoin, la protection juridique que confère le statut de minorité ?

Partagez:

A découvrir également

Découvrez les autres sujets que nous avons abordés