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La PMA ou la production de l’homme (chronique radio Aude Mirkovic)

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Et le droit dans tout ça ?

Une chronique présentée chaque semaine par Juristes pour l’enfance sur Radio Espérance Présentée par Aude Mirkovic et Olivia Sarton, le lundi à 8h, 12h45 et 19h20 (durée 3 minutes)

Chronique du 4 décembre 2023 : la PMA, ou la production de l’homme

Ecouter sur radio Espérance ICI

Je participais vendredi dernier 1er décembre à un colloque aux Bernardins à Paris, sur le thème suivant : engendrer ou créer, vers l’homme fabriqué. Vous l’avez compris, l’objet de ce colloque était de réfléchir sur les technologies reproductives, autrement dit la procréation médicalement assistée, et leur impact sur la procréation humaine.

Il n’y a pas en ce moment de débat parlementaire sur la procréation médicalement assistée, la PMA, et c’est l’occasion de prendre un peu de recul pour réfléchir sur la PMA, en soi et non seulement dans telle ou telle modalité discutée à l’occasion d’un projet de loi.

Le principe de la procréation assistée est de dissocier sexualité et procréation : l’union sexuelle des personnes est remplacée par un geste technique : introduction du sperme par pipette ou rencontre des gamètes sur une paillasse de laboratoire. L’enfant est ainsi le résultat d’un geste technique.

Comme le résumait le Conseil d’État dans son rapport rendu en 2018 dans le cadre de la dernière révision de la loi de bioéthique, qui s’est achevée avec la loi du 2 août 2021, « En permettant de s’affranchir du cadre naturel de la conception, ces techniques ont d’emblée soulevé d’épineuses questions éthiques ». Pourquoi ? Tout d’abord, « En dissociant sexualité et procréation et en faisant de l’enfant le produit de technologies scientifiques ».

Cette dissociation de la sexualité et de la procréation n’a rien d’anodin dès lors qu’elle fait de l’enfant le « produit de technologies scientifiques » : le recours aux technologies reproductives transforme l’engendrement en une opération de production.

Cette dissociation entre sexualité et procréation entraine ensuite des conséquences multiples : « n’ouvrait-on pas la voie à une revendication de procréation ? », demande le Conseil d’État.

Si, et il est aisé de le constater, tout le monde aujourd’hui réclame un enfant, dès lors qu’il est possible de le fabriquer en laboratoire en faisant abstraction des exigences de la nature pour procréer.

« Comment circonscrire [continue le CE], dans ces conditions, le désir que l’enfant soit sinon parfait, du moins le moins « imparfait » possible ? ». C’est très difficile, car la PMA suscite des situations de choix ; choisir un donneur, choisir l’embryon qui sera implanté et, dès lors qu’on choisit, on sélectionne[1].

A cela il faut ajouter la question des embryons fabriqués en surnombre, congelés et conservés dans les congélateurs des hôpitaux, et le problème du recours à des donneurs que je ne peux développer ici.

Le désir d’enfant est bien compréhensible, mais peut-il être satisfait à n’importe quel prix ?

La loi aujourd’hui permet quasiment tout. Mais chacun reste libre des décisions qu’il prend.

Faire « de l’enfant le produit de technologies scientifiques », pour reprendre les termes du Conseil d’État, n’est bien entendu par un but recherché, mais une réalité acceptée, concédée pour réaliser le désir d’enfant.

Ce colloque aux Bernardins m’inspire ce thème de méditation, que je partage avec vous : la production technologique de l’homme est-elle à la hauteur de la dignité humaine ?

[1] « En permettant de s’affranchir du cadre naturel de la conception, ces techniques ont d’emblée soulevé d’épineuses questions éthiques. En dissociant sexualité et procréation et en faisant de l’enfant le produit de technologies scientifiques n’ouvrait‐on pas la voie à une revendication de procréation? Comment circonscrire, dans ces conditions, le désir que l’enfant soit sinon parfait, du moins le moins « imparfait » possible ? Comment appréhender, du point de vue de l’établissement de la filiation et de l’accès aux origines, l’intrusion d’un tiers à travers un don de gamètes dans la relation entre l’enfant et le couple ayant recours à ces techniques ? » (Conseil d’État, Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?, 11 juillet 2018, p. 44)  

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