Programme d’éducation à la sexualité : Juristes pour l’enfance renouvelle ses mises en garde
Communiqué de presse 24 janvier 2025
Le programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle devrait être bientôt publié. Sa dernière version a fait l’objet d’un toilettage pour tenter de masquer ce qui a été dénoncé maintes fois jusqu’à maintenant.
Les promoteurs de ce programme brandissent à tout bout de champ un argument imparable : la lutte contre les violences sexuelles, via l’apprentissage du consentement. Cette incantation vise à museler les critiques de ce programme, et tout défaut d’approbation est interprété comme un refus de lutter contre les violences sexuelles ou comme un déni de l’existence de ces violences.
La lutte contre les violences sexuelles ne saurait pourtant légitimer n’importe quel contenu et c’est pourquoi, nonobstant cette interdiction de parole, Juristes pour l’enfance maintient sa critique du programme tel qu’il est conçu en l’état.
Nous reconnaissons la nécessité de transmettre une éducation aux enfants et adolescents, tout en relevant que cette nécessité est en grande partie accrue par nos déviances sociétales, parmi lesquelles
– la diffusion volontaire et sans limite de la pornographie qui entretient une culture du viol :
Elle est consommée par 90% des hommes adultes avec la bénédiction générale des pouvoirs et institutions publiques ; alors que la France a été en 2024 le 2e pays plus gros consommateur mondial de la plate-forme pornhub, il est illusoire de croire qu’un apprentissage scolaire du consentement sera un rempart efficace contre la culture du viol massivement propagée et entretenue ;
– l’absence de sanction effective de violences sexuelles et/ou physiques notamment commises sur les mineurs et l’absence de protection des enfants qui révèlent des faits :
A cet égard, la mort dramatique d’Amandine en 2020 alors que sa situation avait fait l’objet de plusieurs signalements confirme que les violences physiques et sexuelles ne cesseront pas, tant que les victimes ne pourront pas être mises à l’abri et que les auteurs ne seront pas sanctionnés, ce qui est le cas aujourd’hui pour l’immense majorité des agressions sexuelles (cf. le Rapport sur la Mission d’information sur la définition pénale du viol).
En tout état de cause, la lutte contre les violences sexuelles ne peut servir de justification à un programme qui ne tient toujours pas compte des mises en garde des pédopsychiatres sur la nécessité de respecter les stades de développement de l’enfant : selon le programme, dès avant 4 ans, un vocabulaire scientifique des parties intimes devra être acquis ; à partir de 4 ans, la découverte de la grossesse et de la naissance alliée à celle des « différents types de famille » amènera nécessairement le sujet des différents types de sexualité ; dès le CM1, les changements produits par la puberté seront exposés à tous alors même que la grande diversité de développement entre les enfants nécessite à cet âge-là une information individualisée de manière appropriée ; dans toutes les classes mais encore plus au collège et au lycée, aucune garantie n’est apportée contre les dérives de séances d’éducation à la sexualité qui ne respectent pas l’intimité et la pudeur des élèves, ni leur volonté de ne pas se voir infliger des contenus sexualisés, alors que de tels exemples se sont déjà multipliés ces dernières années (voir notamment Sophie Audugé, Maurice Berger, L’éducation sexuelle à l’école, Artège, Août 2024)
Le genre associé à la lutte contre les discriminations et les stéréotypes constitue une compétence omniprésente dès le primaire, pour qu’à partir de la 5e, c’est-à-dire au moment où les enfants entrent pour la plupart dans la zone inconfortable de l’adolescence, on puisse leur expliquer qu’il faut différencier le sexe et le genre et ici leur faire croire que le premier peut être disqualifié par le second.
D’autres objectifs fixés sont totalement déconnectés de la réalité du développement des enfants : ainsi, l’un des objectifs d’apprentissage avant 4 ans est la liberté d’être soi-même ; un autre est d’expliciter les assignations de genre et les stéréotypes perceptibles ; à partir de 4 ans, l’identification d’une personne de confiance qui peut être un enfant auquel faire appel en cas de besoin ; au CE1, on apprendra à relativiser le caractère durable de l’amour (« on peut avoir été amoureux et ne plus l’être) et l’enfant devra savoir penser de façon critique, etc.
Enfin, en se substituant à la responsabilité éducative des parents au lieu de mettre en place des moyens pour permettre à ceux-ci d’apprendre à jouer pleinement leur rôle d’éducateurs pour ce sujet intime et si sensible, le programme contribue à affaiblir le lien éducatif parents-enfants, au moment même où il serait crucial de le renforcer.
Juristes pour l’enfance demande en conséquence une refonte du programme afin de :
• respecter l’âge des enfants et tenir compte de leur développement psychique. Des contenus sexualisés peuvent avoir un effet d’effraction psychique chez de jeunes enfants et entraver, gravement, leur développement psychique.
• respecter l’intimité, la pudeur et le consentement des élèves : des gestes de nature sexuelle, des activités ou des prises de parole sexualisées ne peuvent leur être imposés. Les élèves doivent avoir la possibilité de les refuser. Cela constitue le socle de l’apprentissage du respect du consentement, le leur et celui d’autrui, ainsi qu’un préalable à la lutte contre les abus sexuels.
• respecter le rôle des parents, 1ers éducateurs, qui « ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants » (article 26.3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme).