Chronique du 3 novembre 2025, à écouter sur radio Espérance ICI
Chers amis auditeurs, bonjour, bienvenue dans la chronique des Juristes pour l’enfance, et le droit dans tout ça, présentée aujourd’hui par Olivia Sarton.
A l’occasion du 60ème anniversaire de la Déclaration conciliaire Gravissimum Educationis, le pape Léon XIV a publié le 28 octobre 2025 une lettre apostolique sur l’éducation intitulée « Dessiner de nouvelles cartes de l’espérance »[1] .
Le pape y rappelle l’importance de l’œuvre de l’Eglise dans l’éducation depuis la conservation et la transmission par les moines à travers l’étude, les commentaires et l’enseignement d’œuvres classiques, puis la création des premières universités que Léon XIV qualifie de « centre incomparable de créativité et de rayonnement du savoir pour le bien de l’humanité », jusqu’au travail de « nombreuses congrégations religieuses qui ont enrichi l’éducation de manières pédagogiquement innovantes et socialement visionnaires ».
Alors que le pape conclut sa lettre en soulignant que « l’éducation catholique peut être un phare », d’aucuns peuvent avoir le sentiment que la France du XXIème siècle a bien l’intention de se passer de ce phare. En particulier, les contrôles mis en œuvre dans les établissements scolaires catholiques depuis plusieurs mois les soumettent à la question sur leur projet pastoral, le positionnement des temps de prière, les propositions facultatives d’un enseignement sur l’anthropologie encouragée par l’Eglise, le choix de tel ouvrage au détriment de tel autre etc.
Différents enjeux semblent motiver cette position française. L’un d’entre eux, et non des moindres, est celui du financement. En effet, depuis la loi Debré 1962, il est prévu un financement partiel de l’Etat pour la scolarisation d’enfants dans le privé sous contrat. Or ce financement est contesté par des syndicats, des politiques, au nom de la laïcité et de la neutralité de l’Etat. Ils interprètent la loi de 1905 qui prévoit en son article 2 que « l’Etat ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte », comme permettant de désavouer le financement d’établissements scolaires qui revendiqueraient un caractère propre confessionnel affirmé.
On ne peut exclure que cette interprétation soit un temps couronnée de succès et que les établissements scolaires soient placés devant un choix cornélien : maintenir leur caractère propre confessionnel affirmé et se voir retirer toute participation financière de l’Etat (via la rupture du contrat d’association) ou renoncer au caractère propre confessionnel pour conserver cette participation financière.
La pression n’est pas exercée que sur les établissements scolaires. Toujours dans le domaine de l’éducation, des subventions sont refusées par des Caisses d’allocations familiales à des particuliers voulant inscrire leur enfant dans un mouvement scout confessionnel ou à des centres de loisirs organisés en patronages proposant des activités religieuses parmi bien d’autres activités. C’est ainsi que récemment une Cour Administrative d’appel[2] a approuvé le refus de subvention d’un patronage organisant un accueil de loisirs pour des enfants de 3 à 17 ans au motif qu’il s’agissait d’une « mesure prise dans l’objectif d’intérêt général de favoriser le développement d’une offre de centres de loisirs bénéficiant au plus grand nombre ». Pourtant ce centre de loisirs patronage accueillait aussi bien des enfants que des animateurs qui n’étaient pas de confession chrétienne, les activités religieuses étaient minoritaires au regard des activités propres à un centre de loisir, et de plus des activités de remplacement étaient prévues pour les enfants qui n’auraient pas voulu assister aux temps de prière.
Quoiqu’il en soit, il importe de ne pas se décourager dans le dialogue avec l’Etat, même si aujourd’hui ce dialogue ressemble plutôt à un bras de fer et si la pression financière risque d’écorner quelques libertés de choix. Des procès seront certainement nécessaires, ils permettront parfois d’obtenir gain de cause. Et si ce n’est pas immédiatement le cas, et bien ce sera simplement un nouveau défi à relever pour trouver les moyens de continuer à faire rayonner la créativité louée par Léon XIV dans sa lettre apostolique pour le plus grand bien de l’éducation des enfants.
A la semaine prochaine !
………………………………………….
Et le droit dans tout ça ?
Une chronique de Juristes pour l’enfance présentée chaque lundi sur Radio Espérance, par Olivia Sarton, Matthieu le Tourneur et Aude Mirkovic, à 8h, 12h45 et 19h20 (durée 3 minutes)
Retrouvez toutes les chroniques Et le droit dans tout ça ? sur radio Espérance ICI, sur YouTube ICI et sur toutes les plates-formes ICI
[1][1][1] https://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2025/10/28/0805/01434.html#
[2] CAA Douai 2ème chambre, 17 octobre 2025, 24DA01108