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Violences sexuelles sur mineurs: le point pour comprendre

Table des matières

JPE-Juristes pour l'enfance-Violences sexuelles

Quelques rappels pour saisir les enjeux de la proposition de loi examinée aujourd’hui par l’Assemblée nationale

  • Le droit français actuel

En droit français actuel, un acte sexuel impliquant un adulte et un enfant de moins de 15 ans n’est qualifié de viol (si pénétration) ou d’agression sexuelle (sans pénétration) que si la preuve est rapportée que cet acte a été obtenu par violence, contrainte, menace ou surprise.

A défaut, l’enfant sera considéré comme consentant et les actes relèveront de la simple atteinte sexuelle : en 2017, un homme âgé de 22 ans a ainsi été acquitté de viol sur une fillette de 11 ans par la Cour d’assises de Seine et Marne qui a estimé qu’il n’y avait pas eu de contrainte. La même année, le parquet de Pontoise a poursuivi pour atteinte sexuelle un homme de 28 ans ayant fait subir à une fillette de 11 ans des actes sexuels avec pénétration : alors que la famille décrivait une enfant tétanisée, incapable de se défendre, le parquet a estimé qu’aucune contrainte physique caractérisant un viol n’avait été exercée

  • L’occasion manquée de la loi Schiappa de 2018

L’insuffisance de la législation a conduit le gouvernement français à annoncer en 2017 l’introduction dans la loi d’une présomption de non consentement de l’enfant à partir d’un âge estimé entre 13 et 15 ans.

Malheureusement, la loi du 3 août 2018 annoncée dans ce but n’a pas atteint l’objectif : le texte ne mentionne aucun âge limite permettant d’exclure le consentement de l’enfant à l’acte sexuel avec un majeur.

A nouveau, en 2019, un acte de pénétration commis par un éducateur de 47 ans sur une jeune fille de 13 ans placée dans un établissement de protection de la jeunesse a été qualifié non de viol mais d’atteinte sexuelle car le juge d’instruction a estimé que la contrainte n’était pas caractérisée.

De même, dans l’affaire en cours dite des « pompiers de Paris », la jeune Julie âgée de 14 ans est prétendue consentante aux fellations pratiquées à la demande de pompiers appelés pour lui prodiguer des secours.

  • Vers une prise de conscience ?

Une prise de conscience s’opère sur la nécessité d’exclure toute possibilité d’un pseudo- consentement de l’enfant à un acte sexuel avec un adulte.

Le livre de Vanessa Springora a révélé l’absurdité de considérer qu’une jeune fille de 14 ans pourrait être l’amante consentante d’un homme comme Gabriel Matzneff.

La Familia grande de Camille Kouchner a révélé le mensonge de prétendre qu’un jeune garçon de 13 ou 14 ans pourrait être consentant aux actes incestueux impliquant son beau-père.

Les déclarations scandalisées devant de tels actes se succèdent et des propositions législatives voient le jour.

  • La proposition de loi Billon au Sénat 

En début d’année, au Sénat, une proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, présentée par madame Annick Billon et adoptée le 21 janvier 2021 par les sénateurs, a introduit pour la première fois le concept d’un seuil de non consentement, c’est-à-dire un âge en-deçà duquel le consentement de l’enfant est exclu et le comportement de l’enfant n’a donc pas à être questionné.

Malheureusement, ce texte est encore gravement insuffisant pour deux raisons :

– Il ne vise que les actes avec pénétration

– Il fixe le seuil de non consentement à 13 ans : il laisse donc la possibilité de considérer des jeunes comme Victor Kouchner et Vanessa Springora comme consentants aux actes de pénétration impliquant un adulte.

  • La proposition de loi Santiago à l’Assemblée

Parallèlement à l’Assemblée nationale, la proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, présentée par madame Isabelle Santiago le 5 janvier 2021, introduit enfin dans le code pénal les seuils d’âge de non consentement réclamés par de nombreuses associations : 15 ans et 18 ans en cas d’inceste.

Cependant après l’examen par la Commission des lois, le 10 février, ce texte a perdu sa clarté et a été vidé d’une grande partie de sa substance en exigeant que le majeur ait connaissance de l’âge de l’enfant ou ne puisse l’ignorer, et que leur différence d’âge soit de plus de cinq ans.

  • La réserve sur la connaissance de l’âge permettra à un adulte de s’abriter derrière des excuses comme « il avait l’air d’avoir 16 ans », ou encore « elle a dit qu’elle avait 15 ans », alors que c’est à l’adulte de prendre ses responsabilités et de s’assurer de l’âge du jeune. A titre de comparaison, rappelons qu’un commerçant ne peut s’exonérer d’avoir vendu de l’alcool à des mineurs en prétextant « ils m’ont dit qu’ils avaient 18 ans ». S’il a un doute, il doit exiger une pièce d’identité, et à défaut, refuser la vente. Cette protection mise en place pour une « simple » vente d’alcool devrait d’autant plus être exigée pour les relations sexuelles entre un majeur et un jeune mineur. A contrario, la réserve introduite par la Commission des lois est de nature à priver d’effet la loi pénale et la protection de l’enfance qu’elle assure.

  • Quant à l’écart d’âge, il empêchera de poursuivre un majeur de 18 ans pour un acte commis sur un jeune de 13 ou 14 ans au titre des nouvelles dispositions : il faudra donc à nouveau prouver que l’enfant de 13 ans était non consentant…. à défaut, par exemple si l’enfant en état de sidération ne s’est pas débattu, ou si la peur des représailles l’a empêché d’exprimer son opposition aux demandes du jeune majeur, aucune infraction ne sera plus caractérisée puisque les nouvelles infractions font disparaître l’actuelle « atteinte sexuelle » qui sanctionne les actes commis par un adulte sur un mineur de 15 ans dit « consentant ». Il y aurait donc une régression de la protection pénale dans ce cas.

Juristes pour l’enfance, comme de nombreuses associations de défense de l’enfance, demande l’introduction dans la loi pénale des seuils de non consentement à 15 ans et 18 ans en cas d’inceste, et le retrait des dispositions qui ont pour effet de vider ces seuils de leur portée.

Voir les propositions législatives de Juristes pour l’enfance ICI

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