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Au Conseil d’État, Fuck Abstraction ! se lit aussi « Fuck la loi » (Aude MIRKOVIC)

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Il y a un mois, un retraité de 64 ans a été condamné pour détention et diffusion d’images pédopornographiques à deux ans de prison ferme et a été inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes. L’impérative nécessité de la protection de l’enfance semblait avoir été comprise par les juges.
Pourtant, quelques jours plus tard, le Conseil d’État n’a rien trouvé à redire lorsque Guillaume Désanges, directeur du Palais de Tokyo, présente au public un tableau de Miriam Cahn intitulé Fuck Abstraction ! représentant le viol d’un enfant, sans abstraction comme annoncé par le titre. Le tout sous prétexte d’art. Les images pédopornographiques du retraité pervers auraient-elles pu être absoutes par la justice s’il les avait présentées comme de l’art ?

Le juge des référés, M. Thomas Andrieu, a en effet rejeté, le 14 avril dernier, la requête des associations Juristes pour l’enfance, Innocence en danger, Face à l’inceste et Pornostop lui demandant de faire décrocher le tableau ou, au minimum, de fermer l’accès de l’événement aux mineurs : il estime que l’exposition publique d’une peinture représentant « la silhouette d’un homme au corps très puissant, nu, sans visage, qui impose une fellation à une victime mince et de très petite taille, nue, à genoux et aux mains liées dans le dos », « ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à l’intérêt supérieur de l’enfant ».

​Est-ce donc sans raison que le code pénal sanctionne la diffusion de « l’image ou la représentation pornographique d’un mineur » ? Et, du moment que c’est de l’art, pourquoi ne pas exposer aussi des photos “artistiques” de viols d’enfants ?

​Certes, l’auteur du tableau prétend que la victime est un adulte et que « le contraste entre les deux corps figure la puissance corporelle de l’oppresseur et la fragilité de l’opprimé agenouillé et amaigri par la guerre ». Mais peu importe en réalité son intention réelle ou supposée, dès lors que l’infraction est caractérisée si la victime est « une personne dont l’aspect physique est celui d’un mineur ».

​En outre, quand bien même on aurait sous les yeux le viol d’un adulte, d’une « extraordinaire crudité » comme ne peut que le relever le juge, c’est encore un délit que de diffuser un contenu pornographique accessible à la vue des mineurs. Le juge ose se justifier par le fait « qu’aucun mineur visitant seul l’exposition n’a été signalé et qu’aucun incident né de la présence d’un mineur devant le tableau en cause n’a été recensé » : veut-il donc attendre des témoignages de vies dévastées par un contact précoce et violent avec la pornographie pour agir, de la même manière qu’il a fallu les livres de Vanessa Springora ou Camille Kouchner pour admettre, enfin, les dégâts de l’artifice d’un prétendu consentement des enfants à un acte sexuel avec un adulte ?

​Puisque le Conseil d’État défaille et que par ailleurs le gouvernement tarde à prendre les mesures annoncées pour protéger les enfants du porno en ligne, chacun de nous peut jouer son rôle auprès des enfants pour leur proposer une culture du beau qui les respecte et les préserver des propositions dégradantes encouragées par les “artistes” et la puissance publique.

* Aude Mirkovic est maître de conférences en droit privé et porte-parole de l’association Juristes pour l’enfance.

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