Interview dans le cadre de l’émission l’Invité du Jour par Phare FM.
Les droits des enfants sont définis par la Convention internationale des droits de l’enfant. Pourtant, ces droits restent souvent mal connus et parfois bafoués. Que recouvre le droit des enfants et pourquoi est-il essentiel de le défendre ? Réponse avec Olivia Sarton, directrice juridique de l’association Juriste pour l’enfance.
Avant le XIXe siècle, on ne voyait pas la nécessité de protéger l’enfant. C’est seulement lorsque l’enfant a été mis au travail que des premiers droits de l’enfant sont apparus, avec la Convention internationale des droits de l’enfant signée au sein des Nations Unies le 20 novembre 1989. Il faut rappeler que pour la Convention internationale des droits de l’enfant, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans. Et donc ça comprend bien l’adolescence. Dans la hiérarchie des normes, cette convention internationale des droits de l’enfant a une valeur supérieure à la loi. C’est-à-dire que la loi française ne peut pas contenir de dispositions qui entrent en contradiction avec cette convention. Elle peut en revanche évidemment prévoir des droits pour les enfants complémentaires à cette convention internationale des droits de l’enfant.
Dans cette convention, on a des droits que les enfants partagent avec les adultes, comme par exemple, la liberté d’expression, de pensée, de conscience, de religion. Mais on a aussi des droits spécifiques, comme le droit pour chaque enfant de connaître, dans la mesure du possible, ses parents et d’être élevé par eux, c’est-à-dire le droit de connaître ses origines et de voir reconnaître juridiquement sa filiation. On retrouve également le droit de vivre avec ses parents, le droit à l’éducation, le droit à se livrer à des jeux et à des activités récréatives. Tout cela figure dans les droits de l’enfant. Il y a un droit qui ne figure pas dans les droits de l’enfant, mais que nous, juristes pour l’enfance, on aime bien rappeler, c’est le droit à l’enfance, c’est-à-dire de vivre son enfance sans qu’elle ne soit bousculée ni violentée. C’est un droit à la légèreté, à l’insouciance, au lent mûrissement, le droit de se tromper, de revenir en arrière, de faire des expériences. Tout ça devrait faire partie des droits des enfants.
Les droits des enfants sont universels mais restent fragiles. Malgré ces protections, des violations persistent dans la société de manière générale, et parfois jusque dans les familles.
La Convention internationale des droits de l’enfant a été ratifiée par 192 pays sur les 197 reconnus par l’ONU. Et pourtant, nous constatons tous, tous les jours, que les droits et besoins fondamentaux des enfants sont bafoués, directement quand les enfants subissent injustice et violence, mais parfois aussi indirectement, quand on se sert de l’intérêt de l’enfant comme prétexte. L’enfant est un être en développement. Ce n’est donc pas un mini-adulte. Il ne peut pas prendre les mêmes décisions que les adultes parce qu’il n’a pas encore la maturité pour ça, notamment entre 10 ans et 22 ans, c’est la grande réorganisation du cerveau. Et donc, l’enfant a besoin pendant toute cette période, donc de la naissance jusqu’à 18 ans au moins pour le droit français, d’une protection juridique appropriée, exercée par les parents. Cela veut dire que ce sont les parents qui prennent les décisions, notamment dans le domaine médical. Un enfant ne peut pas prendre une décision seul. Ce sont ses parents qui prennent la décision pour lui, parce que ce sont eux qui endossent la responsabilité.
Quand les droits des enfants sont menacés, des recours existent. Juriste pour l’enfance agit en justice pour faire cesser les atteintes, intervient auprès des pouvoirs publics et sensibilise l’opinion.
Je vais prendre un sujet très difficile, celui des violences sexuelles exercées sur les mineurs que ce soit par des majeurs ou par des mineurs. Pendant plusieurs années, nous avons essayé avec d’autres associations de faire bouger la loi. C’est ainsi qu’on a eu la loi de 2021, qui a vraiment étendu la protection des mineurs contre les violences sexuelles exercées par des majeurs. Maintenant, nous travaillons davantage sur le sujet des violences sexuelles exercées par un mineur sur un autre mineur. Nous avons organisé un colloque pour réunir des experts et nous organisons des formations à destination des professionnels de l’enfance pour les former sur la prévention des violences sexuelles entre mineurs et comment agir quand on est témoin ce type de situations. C’est un exemple d’action que nous pouvons mener.
Nous sommes finalement tous concernés par la défense des droits des enfants et pouvons tous apporter notre contribution. S’engager auprès des enfants, quelle que soit la manière dont on le fait, est une façon de s’investir pour l’avenir.
Les premiers concernés sont les parents. J’insiste dessus parce que malheureusement, aujourd’hui, les parents ne savent plus comment faire. Ce n’est pas qu’ils soient démissionnaires, c’est qu’ils sont démunis. Ils reçoivent des injonctions contradictoires et ne savent plus quel est leur rôle. Or, l’enfance a besoin que les adultes assument une position responsable. Les parents doivent assumer cette belle mission d’exercer l’autorité, c’est-à-dire selon la racine du mot, faire grandir, faire augmenter. Les enfants ont besoin de l’amour inconditionnel de leurs parents. Très concrètement, ça commence par passer du temps avec eux, jouer avec eux, discuter avec eux, mais aussi remplir leur mission éducative en leur donnant des repères dont ils ont besoin et en sachant résister aux sollicitations de la société. Il faut tenir bon parce que c’est la protection des enfants qui l’exige. Ceci concerne les parents. Mais par ailleurs, toute la société est concernée, parce qu’aujourd’hui, nous manquons cruellement d’adultes qui s’engagent. C’est un véritable appel que je lance. On peut avoir de multiples formes d’engagement. D’abord, on peut s’engager en tant que bénévole par du parrainage auprès d’enfants qui sont dans des situations complexes. France parrainages recense toutes les possibilités de parrainage. On peut s’engager aussi en parrainant un parent isolé, parce qu’un parent qui est accompagné, qui va mieux, s’occupera mieux de son enfant. Et on peut aussi s’engager en tant que professionnel. Dans les années qui vont venir, la France va manquer cruellement d’assistants familiaux, ce qu’on appelait avant famille d’accueil. Ce sont des personnes qui acceptent de recevoir à leur domicile et de s’occuper à temps plein, c’est un travail, d’enfants qui sont placés par la justice ou par l’autorité administrative parce que leurs parents ne peuvent malheureusement pas s’occuper d’eux dans des conditions correctes pour leur épanouissement et leur santé.
S’engager auprès des enfants, c’est s’investir aussi pour que le monde aille mieux, parce que si les enfants vont bien, ils deviendront des adultes heureux, épanouis et on aura un monde apaisé. Et puis, c’est aussi une grande joie quand on peut s’investir pour des enfants. C’est un vrai bonheur.
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