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Proposition de loi n° 3161 visant à réformer l’adoption

Table des matières

La proposition de loi n° 3161 visant à réformer l’adoption, présentée par madame la députée Monique Limon, sera examinée en Commission des lois lundi 23 novembre, et en séance mercredi 2 décembre 2020.

Ce texte poursuit l’objectif très positif de favoriser l’adoption d’enfants aujourd’hui maintenus en foyer ou familles d’accueil alors que leur intérêt serait d’être adoptés.

Malheureusement, ainsi que l’a fait valoir notre porte-parole Aude Mirkovic, maître de conférences en droit privé, lors de son audition par la Commission des lois le 18 novembre, il comporte des mesures contraires à cet objectif et, notamment, la suppression de la possibilité pour des parents de confier leur enfant, en vue de son adoption, à un organisme autorisé par l’adoption (OAA). En effet :

  • Il est essentiel pour la Démocratie de conserver le libre choix des femmes enceintes de s’adresser à l’État (ASE) ou à une structure privée autorisée.
  • Pour l’enfant, être confié à un OAA n’emporte aucun préjudice, mais constitue une chance : 100 %des enfants sont effectivement aussitôt adoptés.
  • Les OAA sont en mesure de recueillir des enfants porteurs de handicaps pour lesquels ils trouvent des familles adoptives.
  • Certains parents, le plus souvent des femmes enceintes, ne souhaitent pas confier leur enfant à l’ASE car elles ont été elles-mêmes pupilles de l’État et ne veulent pas que leur enfant suive le même parcours qu’elles.

Par ailleurs, la suppression de l’exigence actuelle que le couple d’adoptants soit marié est contraire à l’intérêt de l’enfant. Selon l’exposé des motifs, le but est de déconnecter l’adoption du statut matrimonial de l’adoptant, mettant ainsi fin à une différence de traitement face à l’adoption entre couples mariés et couples non mariés.

Mais en quoi l’intérêt de l’enfant, affirmé comme le seul intérêt en cause par le même exposé des motifs, est-il concerné par l’égalité entre les couples mariés ou non mariés ?

L’adoption doit se préoccuper du seul intérêt de l’enfant, et le mariage des adoptants apporte à l’enfant plus de garanties que le concubinage ou le PACS, en raison de son contenu légal.  

L’association Juristes pour l’enfance se réjouit de voir rappelés par l’exposé des motifs « les deux principes fondamentaux en la matière, à savoir l’intérêt supérieur de l’enfant et la volonté de donner une famille à un enfant et non l’inverse » (p. 3).

Nous demandons par conséquent aux députés d’intervenir pour que ces principes ne soient pas seulement proclamés mais respectés et mis en œuvre.

Vous trouverez ci-dessous nos remarques et propositions détaillées.

Lien vers le PDF de cet article : les propositions de JPE sur la proposition de loi visant à réformer l’adoption

Nous souhaitons attirer l’attention des parlementaires sur les points suivants :

  1. La suppression de l’exigence du mariage des couples adoptants (art. 2)
  2. Garantir à tous les enfants l’adoption par un couple (ajout)
  3. La fin du recueil par les OAA d’enfants en vue de leur adoption (art. 13)
  4. Le consentement à l’adoption dans le contexte international (art. 7)
  5. Les dispenses d’agrément (art. 10)
  6. Disparition de la possibilité de laisser des renseignements à l’enfant (art. 13)
  7. La mention des avis divergents sur les PV de délibération des conseils de famille (art. 14)
  8. La recherche de solutions pour les enfants adoptables sans famille d’adoption (art. 14)

 

1. La suppression de l’exigence du mariage des couples adoptants(art. 2)

L’article 2 de la PPL propose de supprimer l’exigence actuelle que le couple d’adoptants soit marié pour permettre l’adoption par des partenaires pacsés ou des concubins :

Art. 343 nouveau :

« L’adoption peut être demandée par deux époux non séparés de corps, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins.

« Les adoptants doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins deux ans ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt‐huit ans ».

Selon l’exposé des motifs, le but de cet article est « de déconnecter l’adoption du statut matrimonial de l’adoptant pour autoriser l’adoption en cas de pacte civil de solidarité ou de concubinage, mettant ainsi fin à une différence de traitement face à l’adoption entre couples hétérosexuels et homosexuels mariés et couples hétérosexuels et homosexuels non mariés ».

Ceci est en contradiction avec l’objectif affirmé par l’exposé des motifs « de renforcer et de sécuriser le recours à l’adoption comme un outil de protection de l’enfance lorsque celui-ci correspond à l’intérêt de l’enfant concerné, et uniquement dans son intérêt » (p. 4).

En effet, en quoi l’intérêt de l’enfant, affirmé comme le seul intérêt en cause, est-il concerné par l’égalité entre les couples mariés ou non mariés ?

Est-il admissible que l’enfant en attente d’adoption serve de variable d’ajustement à des revendications concernant les adultes ?

L’adoption, qui répond à l’intérêt de l’enfant et « uniquement » à son intérêt, ne vise pas à assurer l’égalité entre les candidats à l’adoption. Elle doit se préoccuper du seul intérêt de l’enfant. Or, le mariage des adoptants apporte à l’enfant plus de garanties que le concubinage ou le PACS, en raison de son contenu légal.

Certes, les dispositions relatives à l’autorité parentale sont les mêmes pour les couples mariés et non mariés. Pour autant, le statut conjugal des parents n’est pas sans conséquences quant à la protection apportée aux enfants.

 

  1. Deux personnes qui demandent à adopter ensemble un enfant ne créent pas chacune un lien personnel avec l’enfant, mais aussi un lien familial entre elles deux et l’enfant. L’engagement de ces personnes l’une envers l’autre donne du sens à leur démarche conjointe vis-à-vis de l’enfant.

Concrètement, le PACS et le concubinage ne comportent pas d’obligation de communauté de vie. Des personnes qui n’habitent pas ensemble et n’ont aucune obligation légale de le faire, pourraient ainsi adopter un enfant.

 

  1. Les couples mariés offrent à l’enfant des garanties de sécurité et de stabilité supérieures, du fait du contenu légal du mariage.

L’engagement qui caractérise le mariage et la procédure par laquelle passe sa dissolution sont des gages de stabilité, vérifiée par les faits : les couples non mariés se séparent plus et plus rapidement, et les enfants sont en moyenne plus jeunes lors de la séparation des parents non mariés.

Ceci est particulièrement visible chez les couples jeunes non mariés qui se séparent plus et plus vite que leurs homologues mariés. Or, avec la proposition, un jeune couple à partir de 20 ans, dès lors qu’il a une vie commune de 2 ans, pourrait demander à adopter, alors même qu’une communauté de vie de 2 ans, chez des jeunes non mariés, demeure une situation particulièrement précaire car il y a de nombreuses ruptures sur les premières unions. Au contraire, dans la même tranche d’âge, des jeunes mariés ont fait, eux, la démarche d’un engagement officiel.

 

  1. La rupture du couple elle-même passe en cas de mariage par une procédure judiciaire ou, en cas de divorce sans juge, une procédure prévoyant l’intervention obligatoire des avocats, qui permet la prise en compte des intérêts des époux et des enfants et, au minimum, l’information des parents sur leurs droits et devoirs à l’égard des enfants ne cas de séparation.

Au contraire, la séparation de parents non mariés peut se faire sans l’intervention du juge aux affaires familiales ni même le concours d’un avocat, sans garantie que la situation soit consentie (elle peut être imposée par un des parents à l’autre) ni qu’elle respecte les droits de l’enfant et son intérêt, par exemple son droit de maintenir des liens avec ses deux parents.

 

  1. Le mariage, protecteur des époux, est également protecteur du lien entre l’enfant et ses parents : les obligations entre époux pendant le mariage, le régime matrimonial, la prestation compensatoire en cas de divorce, protègent chacun des époux et, en particulier, celui qui s’est consacré à l’éducation des enfants, choix fréquent après une adoption.

Au contraire, celui des parents qui a fait des choix professionnels privilégiant une plus grande disponibilité auprès des enfants pourrait se trouver en situation précaire lors d’une séparation après un pacs et, plus encore, un concubinage, avec des répercussions sur la situation de l’enfant si l’un de ses parents est en difficulté, notamment financière.

 

  1. Certes, les personnes non mariées, partenaires ou concubins, sont libres d’avoir des enfants.

Pour autant, la société a une responsabilité particulière à l’égard des enfants qui lui sont confiés en vue de leur adoption. Il est donc de sa responsabilité d’offrir à l’enfant le maximum de garanties et il est justifié, dans l’intérêt de l’enfant, qu’elle exige des candidats à l’adoption qu’ils soient mariés.

De la même manière, des personnes très jeunes, ou plus âgées, peuvent parfaitement avoir des enfants et, pourtant, il est bien justifié par l’intérêt de l’enfant en attente d’adoption que la loi écarte des candidats à l’adoption présentant un écart d’âge trop faible, ou trop important, avec l’enfant.

L’interdiction de l’adoption par des époux séparés de corps est elle aussi justifiée par l’intérêt de l’enfant, sans qu’il en résulte d’inégalité à l’égard des époux séparés de corps, car la loi sur l’adoption ne vise l’égalité des couples mais l’intérêt de l’enfant.

L’enfant en attente d’adoption, qui a déjà souffert une séparation avec ses parents d’origine, a le droit de bénéficier de la configuration familiale la plus sécurisante pour lui.

 

  1. Pour finir, la différence de statut qui existe entre les couples mariés ou non mariés justifie des différences de traitement, en matière de filiation notamment. La Cour européenne des droits de l’homme comme les juridictions internes le rappellent régulièrement. Et, dans le cas présent, la différence de traitement est justifiée dès lors que le statut matrimonial offre à l’enfant des garanties de stabilité et sécurité objectives que les autres statuts (concubinage et pacs) ne sont pas en mesure d’offrir. Les qualités personnelles des intéressées ne sont pas en cause mais le statut qui est le leur n’est pas indifférent.

C’est pourquoi il est proposé de supprimer l’article 2 de la proposition de loi. 

 

2. Garantir à tous les enfants l’adoption par un couple(ajout)

La proposition de loi pourrait être l’occasion de renforcer la prise en compte de l’intérêt de l’enfant en garantissant à tous les enfants en attente d’adoption d’être adoptés par deux parents (mariés de préférence).

L’adoption d’un enfant par une personne seule a pu se justifier dans un contexte où les candidats à l’adoption étaient rares et les enfants en attente de famille nombreux.

Mais ce contexte est aujourd’hui complètement dépassé : la société a la possibilité d’offrir des parents adoptifs et non pas un seul parent adoptif à tous les enfants qui lui sont confiés pour l’adoption.

Dès lors qu’il est possible d’offrir deux parents à tous les enfants en attente d’adoption, il serait gravement injuste que certains d’entre eux continuent d’être adoptés par un seul parent. En outre, comme le rappelle le Document faisant état des travaux de la rapporteure » daté du 19 novembre 2020 (page 5), l’adoption par une personne seule peut être prononcée alors que cette personne est mariée, pacsée ou en concubinage. On peut s’interroger sur l’intérêt de l’enfant à être adopté par un membre d’un couple dont l’autre ne souhaite pas participer à ce projet pour l’enfant.

Il convient alors de maintenir l’adoption par une personne seule au contexte de l’adoption intra familiale, à savoir l’adoption de l’enfant du conjoint ou l’adoption d’un orphelin par un oncle, une tante ou une autre personne de sa famille. Dans ce dernier cas, il pourrait être préjudiciable à l’enfant de ne pouvoir demeurer dans le cadre familial sous prétexte que la personne qui peut l’adopter est célibataire.

Il convient donc de supprimer du code civil la possibilité qu’un enfant soit adopté par une personne seule, en réservant le cas de l’adoption intrafamiliale qui présente des spécificités.

 

Nous proposons d’ajouter à la proposition de loi un article 2 bis ainsi rédigé.

Article 2 bis

Alinéa 1er : L’article 343 du Code civil est complété par un alinéa 2 ainsi rédigé :

« Par exception, l’adoption peut être demandée par une personne seule lorsqu’elle est un parent ou un allié de l’adopté ».

 

Alinéa 2 :

L’article 343-1 du Code civil est supprimé

 

3. La fin du recueil par les OAA d’enfants en vue de leur adoption (art. 13)

Aujourd’hui les OAA doivent demander une autorisation pour le recueil d’enfants en vue de l’adoption sur le territoire national.

Les alinéas 12 à 14 de l’article 13, modifient la rédaction de articles 348-4 et 348-5 du Code civil pour tenir compte de la nouvelle procédure selon laquelle les parents qui consentent à l’admission de leur enfant dans le statut de pupille de l’État en le remettant au service de l’aide sociale à l’enfance n’ont plus ensuite à consentir à l’adoption, puisque ce consentement est donné par le conseil de famille des pupilles de l’État.

Mais, au passage, la possibilité pour les parents de consentir à l’adoption de l’enfant en le remettant à un organisme autorisé pour l’adoption disparaît dans cet article.

Aucune raison n’est donnée à une telle suppression, qui n’est d’ailleurs pas annoncée dans l’exposé des motifs. Le document faisant état des travaux de la rapporteure » daté du 19 novembre 2020 indique qu’ « il convient de privilégier un recueil par les services de l’ASE qui, en accordant aux enfants le statut de pupille de l’Etat, leur garantir une meilleure protection de leurs droits, avec notamment la définition d’un projet de vie, la recherche d’une famille d’adoption si l’intérêt de l’enfant le justifie et l’assurance d’une protection juridique durable en cas de non adoption » (p. 47).

 

Cet argument n’est pas justifié.

En effet, certes l’activité de recueil des enfants par les OAA en France est devenue réduite. Il semble que seulement 5 OAA aient encore actuellement fait les démarches pour disposer de l’autorisation de recueillir des enfants : Familles adoptives françaises, les différentes COFA, Vivre en famille, La Cause et Lumière des enfants.

Les autres y ont renoncé, soit parce que leur activité est tournée vers l’international exclusivement, soit en raison des contraintes administratives générant des frais trop importants. C’est le cas de l’OAA Emmanuel SOS adoption par exemple : en 2010, devant l’impossibilité de faire face à ces contraintes avec leur budget, Emmanuel SOS Adoption a cessé son activité de recueil d’enfants. Mais il reste un intermédiaire indispensable pour l’adoption d’enfants handicapés.

Parmi les autres OAA aujourd’hui autorisés, Familles adoptives françaises a recueilli et confié à l’adoption 5 enfants en 2019 et 2 (« seulement » en raison de la Covid probablement) depuis le début de l’année 2020.

En dépit du nombre faible d’enfants concernés, il est primordial de laisser aux OAA autorisés pour cela la possibilité de recueillir les enfants que les parents leur confient en vue de l’adoption.

  • Il est essentiel pour la Démocratie de conserver le libre choix des femmes enceintes de s’adresser à l’État (ASE) ou à une structure privée. Cela fait partie du droit des femmes à exercer leur autorité parentale dans cet acte qui consiste à consentir à l’adoption de leur enfant.
  • Pour l’enfant, être confié à un OAA n’emporte aucun préjudice, mais constitue au contraire une chance pour lui : 100 %des enfants confiés à des OAA pour adoption sont effectivement aussitôt adoptés. Il n’y a pas à définir un projet de vie puisque ces enfants sont confiés en vue de l’adoption. Et il n’est pas nécessaire non plus de chercher une protection juridique durable en l’absence d’adoption car ce cas de figure ne se présente JAMAIS.
  • En outre, les OAA sont en mesure de recueillir des enfants porteurs de handicaps pour lesquels ils trouvent des familles adoptives en raison du travail associatif qu’ils réalisent dans ce domaine. Pour un enfant handicapé, être confié à un OAA est une vraie chance. Un OAA comme Emmanuel France ne peut actuellement recueillir d’enfants pour des raisons de financement de leurs structures, mais il pourrait ré-offrir ce service dans l’avenir pour le plus grand profit des enfants handicapés qui pourraient à nouveau leur être confiés.
  • Le nombre modeste des enfants recueillis par les OAA en activité s’explique aussipar le fait qu’ils accueillent des femmes enceintes qui pensent confier leur enfant à l’adoption. Ces femmes font l’objet d’un accompagnement et des mesures sociales sont mises en place : grâce à cela, certaines décident finalement de garder leur enfant avec elle. Très peu réalisent finalement leur projet initial de confier l’enfant à l’adoption. La suppression de la possibilité pour les OAA de recueillir des enfants ne leur permettrait plus de jouer ce rôle pourtant si précieux.
  • Certains parents, le plus souvent des femmes enceintes, ne souhaitent pas confier leur enfant à l’ASE car elles ont été elles-mêmes pupilles de l’État et souhaitent s’adresser à un OAA car elles ne veulent pas que leur enfant suive le même parcours qu’elles.

 

Proposition : maintenir le choix laissé aux parents de confier leur enfant à un OAA autorisé en vue de son adoption,

L’alinéa 13 de l’article 13 est remplacé par l’alinéa suivant :

« Art. 348-4. – Lorsque les père et mère ou le conseil de famille consentent à l’admission de l’enfant dans le statut de pupille de l’État en le remettant au service de l’aide sociale à l’enfance, le consentement à l’adoption et le choix de l’adoptant sont laissés au conseil de famille des pupilles de l’État. Lorsque les père et mère ou le conseil de famille consentent à l’adoption de l’enfant en le remettant à un organisme autorisé pour l’adoption, le choix de l’adoptant est laissé au tuteur avec l’accord du conseil de famille de la tutelle organisée à l’initiative de l’organisme autorisé pour l’adoption.

 

L’alinéa 14 de l’article 13 est remplacé par l’alinéa suivant :

Article 348-5 du code civil:

« Sauf le cas où il existe un lien de parenté ou d’alliance jusqu’au sixième degré inclus entre l’adoptant et l’adopté, le consentement du ou des parents à l’adoption d’un enfant de moins de deux ans n’est valable que dans le cas où l’enfant est confié à un organisme autorisé pour l’adoption ».

 

4. Le consentement à l’adoption dans le contexte international (art. 7)

L’article 7 alinéas 1eret 2 déplace les qualités requises du consentement à l’adoption des parents d’origine (ou du représentant légal de l’enfant) de l’article 370-3 du Code civil à l’article 348-3, lequel préciserait désormais que « Le consentement doit être libre, obtenu sans aucune contrepartie, après la naissance de l’enfant et éclairé sur les conséquences de l’adoption, en particulier, s’il est donné en vue d’une adoption plénière, sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant».

Mais, en réalité, ces qualités requises du consentement ne sont pas seulement déplacées car la précision « quelle que soit la loi applicable » de l’article 370-3 disparaît.

Du coup, l’exigence d’un consentement du représentant légal de l’enfant présentant tous les caractères décrit disparaît dans les procédures internationales, qui sont pourtant propices aux trafics et demandent une vigilance particulière.

Dès lors que l’article 370-3 prévoit que « les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union », si une adoption concerne des adoptants dont la loi nationale admetun consentement donné avant la naissance et/ou en échange d’une contre-partie, les juridictions françaises se verraient dans l’obligation d’appliquer cette législation.

Ceci serait directement contraire à la Convention de la Haye sur l’adoption internationale, laquelle vise la sauvegarde des droits des parents d’origine comme l’intérêt de l’enfant.

Il convient donc sans doute de compléter l’article 348-3 pour préciser les qualités exigées du consentement des parents, mais il convient également de maintenir ces précisions à l’article 370-3 en maintenant cette précision importante que comporte actuellement cet article, « quelle que soit la loi applicable».

Proposition : l’alinéa 2 de l’article 7 est supprimé.

 

5. Les dispenses d’agrément(art. 10)

Dispense d’agrément pour les personnes auxquelles l’enfant a été confié

L’article 10 al. 6 dispense d’agrément les personnes à qui le service de l’aide sociale à l’enfance a confié un pupille de l’État pour en assurer la garde lorsque les liens affectifs qui se sont établis entre cet enfant et eux justifient cette mesure et qu’elles souhaitent l’adopter.

Cette dispense amoindrit la protection de l’enfant : ce n’est pas parce que les personnes se sont vu confier l’enfant qu’elles présentent les garanties que la procédure d’agrément vise à vérifier.

En outre, comment apprécier l’existence ou non de ces liens affectifs, et qui sera chargé d’un tel constat ?

Bien plus, l’existence de liens affectifs peut conduire les personnes à vouloir adopter l’enfant sans mesurer la portée de leur acte, alors que la procédure d’agrément a notamment pour objet une prise de conscience sur la réalité et les difficultés de l’adoption, la particularité de la filiation adoptive, pour s’engager dans ce processus en connaissance de cause.

Proposition : supprimer l’alinéa 6 de l’article 6

 

Dispense d’agrément dans le cadre d’une adoption intrafamiliale d’un enfant étranger

De même, l’alinéa 9 de l’article 6 dispense d’agrément les personnes qui souhaitent recueillir un enfant dans le cadre d’une adoption intrafamiliale d’un enfant étranger.

Cette dispense amoindrit elle aussi la protection de l’enfant.

D’abord, la notion d’adoption intrafamiliale est floue (enfant du conjoint, neveu, petit cousin ?).

Ensuite, l’adoption internationale est le contexte propice aux trafics et il ne convient pas d’atténuer la protection de l’enfant en dispensant les candidats à l’adoption de l’agrément.

Notre association a déjà été informée du cas d’enfants accueillis dans des conditions fort opaques par un oncle ou un cousin à l’égard duquel les parents avaient des dettes. Pour camoufler la situation de l’enfant, il n’est pas à exclure que ce dernier fasse l’objet d’une adoption.

Proposition : supprimer l’alinéa 9 de l’article 6

 

6. Disparition de la possibilité de laisser des renseignements à l’enfant(art. 13)

L’article 13 supprime les deux derniers alinéas de l’article 224-5 du CASF.

Or, le premier des alinéas supprimé précise actuellement que les parents sont informés « De la possibilité de laisser tous renseignements concernant la santé des père et mère, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance ».

Où est l’intérêt pour l’enfant de ne plus informer les parents de la possibilité de laisser des « renseignements concernant la santé des père et mère, les origines de l’enfant, les raisons et les circonstances de sa remise au service de l’aide sociale à l’enfance » ?

Proposition : maintenir l’avant dernier alinéa actuel de l’article 224-5 du CASF

L’alinéa 1erde l’article 13 est remplacé par l’alinéa suivant :

  1. – Le dernier alinéa de l’article L. 224-5 du code de l’action sociale et des familles est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

 

7. La mention des avis divergents sur les PV de délibération des conseils de famille(art. 14)

L’alinéa 23 de l’article 14 prévoit que « La délibération du conseil de famille est motivée. Toutes les fois qu’elle n’est pas prise à l’unanimité, les avis divergents sont mentionnés dans le procès-verbal ».

Afin de garantir la liberté de discussion et de vote au sein du conseil de famille, il ne convient pas de publier les avis divergents.

La tradition juridique française privilégie la collégialité des décisions et garantit l’anonymat des votes et opinions au sein des instances chargées de prendre les décisions.

Ainsi, en matière juridictionnelle, les tribunaux sont composés de plusieurs magistrats et le tribunal rend sa décision sans citer ni la proportion des voix ni le contenu des opinions divergentes.

L’habitude de publier les avis divergents et une habitude anglo-saxonne, pratiquée par la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il ne convient pas d’importer.

Les délibérations des conseils de famille n’ont rien à gagner à la mention des avis divergents dans les PV, et rien ne doit être susceptible de gêner les membres du conseil à s’exprimer librement dans le seul intérêt de l’enfant.

Proposition : l’alinéa 23 de l’article 14 est supprimé.

 

8. La recherche de solutions pour les enfants adoptables sans famille d’adoption (art. 14)

Le Document faisant état des travaux de la rapporteure » daté du 19 novembre 2020 mentionne la difficulté de parvenir à réaliser une adoption pour des enfants aux besoins spécifiques (âgé, handicap, fratrie) (p.43).

Dans son discours de Présentation de la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfancedu 14 octobre 2019[1], le secrétaire d’ État Adrien Taquet avait rappelé que 49% des enfants pupilles pour lesquels le projet de vie est un projet d’adoption n’ont pas été adoptés, le conseil de famille n’ayant pas réussi à leur trouver une famille. Ces enfants sont plus de 1 000 en France[2]. Or, le Secrétaire d’État avait également rappelé que 14 000 familles disposaient en même temps d’un agrément en vue d’une adoption. Le caractère départemental du processus d’adoption peut en partie expliquer l’échec de l’adoption pour ces enfants présentant une particularité.

Aussi le secrétaire d’État Taquet avait-il préconisé la mise en place d’un outil, d’un pilotage national, de manière à ce que les départements puissent se coordonner.

Cette mesure manque dans la proposition de loi, en particulier pour ces enfants qui n’ont pas pu être adoptés.

Aussi, il est proposé la création d’une commission nationale qui regrouperait les dossiers des enfants qui n’ont pas trouvé de famille afin de pouvoir ensuite effectuer une recherche sur tout le territoire national.

 

Proposition : insérer un nouvel alinéa après l’alinéa 35.

« Art. L. 224-8-7 – Un comité de pilotage national des pupilles de l’État est créé aux fins d’étendre au territoire national les dossiers des enfants adoptables mais pour lesquels une famille n’aura pu être trouvée dans leur département d’origine.

Un outil national permet à ce Comité de partager à chaque Conseil de famille les dossiers d’enfants adoptables, afin de trouver pour ceux-ci une famille en dehors du département d’origine.

Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article ».

 

[1] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/191014_-_discours_-_presentation_de_la_strategie_nationale_de_prevention_et_de_protection_de_l_enfance.pdf

[2]https://1fe5mu2jn2rfg0lxu2vk3gyc-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2020/04/synthese_2017_rapport_onpe_2019.pdf

 

Cet article en PDF: les propositions de JPE sur la Proposition de loi n° 3161 visant à réformer l’adoption

Lien vers le texte de la proposition de loi n° 3161 visant à réformer l’adoption

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